Dans le cadre des « actions & réactions » (au Covid-19 du JDA) « pour administrativistes confiné.e.s » et en partenariat étroit avec La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales (JCP A), le professeur Touzeil-Divina vous proposera chaque semaine aux colonnes notamment du JDA de réviser votre droit administratif (confinement oblige) et ce, de façon renouvelée.
En effet, à l’heure des confinements mais aussi des révisions pour les étudiant.e.s publicistes (ou non), parallèlement à une publication (en ligne et papier au Jcp A) nous vous proposerons chaque semaine pendant deux mois une autre façon de (ré)apprendre les grandes décisions publicistes.
Ainsi, à partir de la photographie d’un « objet », ce sont précisément les « objets » du droit administratif (service public, actes, libertés, agents, biens, responsabilité & contentieux) qui seront ici abordés avec une présentation renouvelée des faits et des portées prétoriennes.
Alors, en mettant en avant une image et des événements associés à un jugement ce sont aussi les mémoires visuelles et kinesthésiques qui seront stimulées (alors qu’en cours c’est principalement la seule mémoire auditive qui l’est). Le Jda pense ainsi à vous et vous prépare à vos examens 🙂
Liste des décisions présentées sur le site chezFoucart, celui du Journal du Droit Administratif ainsi qu’en publication (papier/en ligne) au JCP A :
CE, 10 février 1905, Tomaso Grecco
CE, 06 février 1903, Adrien Terrier
CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers
CE, 30 novembre 1903, Basileo Couitéas
CE, Sect., 18 décembre 1959, Les Films Lutétia
CE, 19 mai 1933, René Benjamin
CE, 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier
CE, Ass., 07 février 1947, Bernard d’Aillières
Première décision :
CE, 10 février 1905,
Tomaso Grecco
#responsabilitépourfaute #police
#puissancepublique #armeàfeu
#taureau #fautelourde
#pasdemouchette
Rec. Lebon : p. 139.
Bibl. : conclusions de Jean Romieu aux Gcja 2015 ; p. 257 et s.
Les faits se sont passés près du marché de la carte postale ; marché dont un taureau s’était échappé. C’est justement à diriger les bovins qu’est utile la « mouchette » qui enserre, comme un anneau, le nez d’un taureau. Celui des faits ne devait donc pas en posséder !
Les faits
La scène se passe dans un ancien protectorat français : en 1901, en Tunisie dans la ville de Jendouba (que l’on nommait à l’époque Souk-el-Arba et ce, jusqu’à l’indépendance tunisienne) au nord du pays, près de la frontière avec l’Algérie. Le requérant, Tomaso Grecco un maçon et colon européen, était dans sa propriété lorsqu’il a reçu une balle tirée d’un pistolet ! Comment cette balle perdue avait-elle pu parvenir à lui ? Dans la ville, un taureau s’était échappé du marché et – effrayé – s’était précipité dans les ruelles du Souk commençant à créer plusieurs dégâts. Spontanément, des badauds essayèrent de le contenir et ceux qui avaient une arme (dont des policiers locaux et des gendarmes nationaux) voulurent l’immobiliser : avec succès puisque, suite aux coups de feu, le taureau tomba. Malheureusement pour M. Grecco, l’une des balles tirées traversa la porte de sa maison, porte derrière laquelle il se trouvait, lui occasionnant une blessure au bas-ventre. Grecco, qui guérit de ses maux, soutenait qu’un gendarme dénommé Mayrigue avait été l’auteur du tir et il en demanda réparation parce que, selon ses dires, le gendarme avait tiré malgré l’ordre contraire de son supérieur hiérarchique. Il s’agirait donc d’une faute personnelle de Mayrigue en tant qu’homme et non d’une faute de service du gendarme en tant qu’agent des forces de puissance publique (cf. TC, 30 juillet 1873, Pelletier).
La portée
Si Grecco essaya d’abord d’obtenir devant un juge judiciaire (le tribunal civil de Tunis) la mise en cause personnelle du gendarme, c’est parce qu’il savait que jamais un service de police ou de gendarmerie n’avait été déclaré responsable pour faute. Régnait alors l’irresponsabilité publique. Toutefois, comme sa première procédure échoua et parce que le gouvernement refusait de l’indemniser, il osa demander réparation auprès du juge administratif en invoquant la responsabilité de l’Etat. Classiquement, le ministre en défense opposa une fin de non-recevoir (au nom de l’irresponsabilité de principe) mais, contre toute attente, et grâce aux formidables conclusions du commissaire du gouvernement Romieu, le Conseil d’Etat retint que la requête contenait « l’énoncé des faits invoqués » par Grecco « comme engageant la responsabilité de l’Etat ». Partant, le juge acceptait le principe même d’une responsabilité publique.
Deux tempéraments, cela dit, doivent être prononcés. D’abord, Romieu n’envisageait qu’une responsabilité pour faute manifeste, grave et caractérisée et non (comme aujourd’hui désormais et à quelques rares exceptions) pour « toute faute » même « simple ». Par ailleurs, si le juge admit le principe du recours, il le rejeta au fond car, selon lui, les faits ne permettaient pas de prouver qui avait été l’auteur de la balle perdue.
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