Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative.

Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 15 octobre 2021, Agence de biomédecine & alii (431291)

Cohabitation de responsabilités (sans faute (via l’Oniam) & pour faute) suite à une greffe

Quiconque pratique le droit de la santé le sait, les questions de répartitions de fautes et/ou de responsabilités en droit médical sont souvent complexes et ce, non seulement du fait de la pluralité des acteurs en jeu (et de la difficulté à identifier le rôle et surtout la causalité exacts de chacun dans un épisode préjudiciable) mais encore parce qu’en matière d’accident de santé, les souffrances de victimes sont telles qu’un élan de solidarité souhaiterait les accompagner. C’est ce maëlstrom juridique que vient traduire le présent arrêt concernant les conséquences d’une greffe de foie. En 2011, en effet, un patient avait été admis au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour y subir une telle opération à partir d’un greffon prélevé au centre hospitalier du Havre. L’équipe « chirurgicale du CHU de Bordeaux avait débuté l’opération en procédant à de premiers gestes opératoires, en particulier le clampage du pédicule hépatique, qui rendaient l’hépatectomie irréversible » mais « elle a été contrainte de renoncer à implanter ce greffon, en raison de la détection chez le donneur d’une adénopathie cancéreuse. L’implantation a néanmoins pu être réalisée, plusieurs heures après, grâce à un second greffon obtenu en urgence du CH de Cholet ». Toutefois, à la suite de cette opération, « la survenue d’une myélinolyse a entraîné de lourdes séquelles neurologiques » pour le greffé. Dans un premier temps, les juges du fond ont estimé « que les fautes commises conjointement par l’Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux, tant lors de la phase de sélection du premier greffon que lors des transmissions d’informations entre l’équipe de prélèvement et l’équipe de transplantation, avaient privé M. K… d’une chance, évaluée à 25 %, d’échapper à la myélinolyse qui s’était déclarée à la suite de la transplantation hépatique. Elle a ensuite recherché si le dommage subi par M. K… était susceptible d’être indemnisé par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale, mais a jugé qu’il ne présentait pas le caractère d’anormalité et de gravité requis par les dispositions combinées du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique (CSP) et de l’article D. 1142-1 du même code ». L’agence de la biomédecine, notamment, contestant cet arrêt, un pourvoi a été formé aux termes duquel le CE a d’abord rappelé de façon principielle qu’il résulte de l’art. préc. du CSP que « la réparation d’un accident médical par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale n’est possible qu’en dehors des cas où cet accident serait causé directement soit par un acte fautif d’un professionnel de santé ou d’un établissement, service ou organisme mentionné au I du même article, soit par un défaut d’un produit de santé ». Partant, « lorsque, dans le cas d’un tel accident médical non fautif » de type L. 1142-1 CSP, une faute commise par l’un des acteurs du système de santé « a, sans être la cause directe de l’accident, fait néanmoins perdre à la victime une chance d’y échapper ou de se soustraire à ses conséquences, cette dernière a droit à la réparation intégrale de son dommage au titre de la solidarité nationale, mais l’indemnité due par l’ONIAM doit être réduite du montant de l’indemnité mise à la charge du professionnel, de l’établissement, du service ou de l’organisme responsable de la perte de chance, laquelle est égale à une fraction des dommages, fixée à raison de l’ampleur de la chance perdue ». Cette cohabitation de deux responsabilités potentielles sans faute via l’ONIAM et pour comportement fautif sans être la cause directe de l’accident (sic) étant actée dans cette espèce, selon le juge de cassation, restait à en rappeler l’office du juge et à en déduire l’implication notamment de l’Agence de biomédecine en particulier.

Sur le premier point, le CE souligne (…)

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