Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :
CÉ, 21 avril 2023, Garde des Sceaux (450533)
Quand le certificat médical est suspecté de complaisance, on peut en faire fi ?
Telle est bien la situation – et on imagine qu’elle fut tendue – qu’a rencontrée l’administration pénitentiaire lilloise. À l’hiver 2018, un important mouvement social s’y s’est déroulé comportant des jours de « grève » et ce, alors que ce droit n’y est pas autorisé au nom de la sécurité et de la continuité du service public pénitentiaire (art. 3 de l’ordonnance du 6 août 1958). Les agents grévistes en ont donc été sanctionnés et les traitements correspondant à leurs jours non travaillés en ont été imputés selon la règle du 30ème indivisible. Toutefois, nombre d’entre eux avaient présenté des certificats médicaux et s’étaient déclarés ainsi non pas grévistes mais en congé maladie. Dans le contexte, l’administration a considéré – à tord selon le tribunal administratif d’Amiens mais à raison selon le Conseil d’État – que l’on pouvait soupçonner ces documents – pourtant médicaux – d’actes de complaisance.
Plusieurs agents, surveillants pénitentiaires, avaient ainsi contesté les retenues opérées et obtenu gain de cause du juge amiénois, raison pour laquelle le Garde des Sceaux s’était pourvu en cassation (avec une régularisation opérée par la Caa de Douai saisie à tort). Basé sur une suite de contentieux similaires, le magistrat président l’une des chambres du TA d’Amiens en avait fait une « série » que le CE va réordonner. En effet, explique le juge de cassation, si les agents sanctionnés avaient bien « transmis à leur administration des avis médicaux leur prescrivant une interruption de travail de plusieurs jours pendant la période allant de la fin janvier au début février 2018, au cours de laquelle leur établissement d’affectation était confronté à un important mouvement social », on pouvait douter de la véracité de tels actes au regard de la situation sociale et de l’interdit de droit de grève. On pouvait même soupçonner un abus de droit aux soins. Soupçonner, ajoutons-nous, certes mais de là à faire comme si ces certificats, ordonnés, par des docteurs en médecine étaient par définition ou essence faux ou complaisants sans avoir pour ce faire d’expertise médicale nous paraît plus que choquant et nous évoque les limites fictionnelles de la « préscience » ou de la divination. (…)
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