Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative.

Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 7 novembre 2022, Ayants-droits C & D (455631)

Quand le défunt n’est plus sujet de droits, quoique

Dans une récente recension (cf. CE, 28 octobre 2022, Oniam (434968) avec nos obs. dans cette Revue), nous attirions l’attention sur la lente mais réelle appréhension de plus en plus subjectivée et personnifiée des défunts par le Droit et ce, alors qu’une habitude juridique millénaire en a fait des choses incapables d’être acteurs dudit Droit. En permettant, ici, à une personne décédée de voir le procès qu’elle avait provoqué continuer, malgré sa déchéance juridique, un nouveau pas est franchi.

Nous ne disons évidemment pas (mais il faut le souligner) que les morts sont désormais reconnus comme dotés de la personnalité juridique pleine et entière à l’instar et aux côtés des vivants. Même si on en soutient la proposition (notamment avec M. Bouteille-Brigant in Traité des nouveaux droits de la mort ; L’Epitoge ; 2014), on doute de le voir explicitement consacré… de notre vivant ! En revanche, petit à petit, l’idée gagne du terrain ce qu’un temps de Toussaint ne peut qu’accompagner aisément. Concrètement, dans cette affaire, une citoyenne âgée avait reçu une aide sociale départementale mais la collectivité territoriale avait estimé, dans un second temps, que les revenus dont disposaient la récipiendaire également aidée de ses proches ne permettaient plus l’octroi d’un soutien. Le département, en contrariété (au fond) avec les art. R. 131-3 et s. du Code de l’action sociale et des familles, en avait demandé le remboursement ce qui fut, à juste titre, contesté par la tutrice de la vieille dame en son nom et en celui de sa mère. On l’a compris, cela dit, ce n’est cependant pas le fond qui rend le présent arrêt intéressant mais l’argumentation procédurale et les possibilité reconnues ou refusées d’action contentieuse. En effet, en 2018, lorsque la contestation de la décision départementale eut lieu, la requérante était certes sénescente mais vivante et agissait parallèlement à sa fille. Il fallut néanmoins attendre longtemps pour qu’un jugement soit rendu puisque, du fait de la réforme des juridictions sociales, le dossier initialement déposé devant via la commission départementale d’aide sociale devant l’ancien TGI de Versailles fut transféré au TA du même ressort en 2019. Entre temps, la citoyenne âgée mourut en 2020 et lorsque le tribunal rendit son jugement le 15 juin 2021, il ne fut pas notifié à la seconde requérante, fille et ancienne tutrice de la première. Le délai contentieux de cassation ne courait donc pas à leur encontre et le pourvoi matérialisé en novembre 2021 était donc régulier. Restait à savoir si le décès de la mère et de l’ancienne épouse des requérants ayants-droits allait à lui seul entraîner la mort contentieuse de l’affaire.

Plusieurs arguments plaidaient objectivement en ce sens outre le rappel précité de (…)

On peut donc continuer un procès lorsque le requérant principal est décédé. Il y a – ne serait-ce que dix ans – on ne l’aurait certainement pas encore accepté.

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