Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative.
Voici trois extraits du prochain numéro :
CE, 12 mars2021, B. (448007)
Constitutionnalité présumée de la confiscation de propriété par contravention de grande voirie
C’est au cours d’un contentieux ouvert entre le Port autonome de Paris et des particuliers s’étant vu confisquer leur bien (une péniche d’habitation) irrégulièrement stationné sur le domaine public fluvial protégé par contraventions de grande voirie, que le TA de Cergy, compétent au fond, a transmis au CE une QPC mettant « en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 2132-9 CGCT ». Ce dernier article permet en l’occurrence, parallèlement au constat (et à la répression conséquente potentielle) d’une contravention de grande voirie (CGV), au gestionnaire du domaine public ainsi protégé non seulement d’obtenir le prononcé d’une amende de 150 à 12 000 euros (en fonction de la complexité et de la valeur du bien empiétant sur le domaine) mais encore « la confiscation de l’objet constituant l’obstacle et du remboursement des frais d’enlèvement d’office par l’autorité administrative compétente ». Il s’agit là, commente le juge, de « maintenir le domaine public fluvial dans un état permettant qu’il en soit fait un usage conforme à sa destination » et d’assurer « la sécurité de la navigation ». Ainsi, tout propriétaire d’un bien obstruant le domaine protégé est-il tenu de le déplacer sous peine d’enlèvement public d’office à la charge du contrevenant. Cela dit, affirme le CE, « une telle confiscation, qui ne constitue pas une sanction, a pour seul objet de garantir l’administration du remboursement des frais d’enlèvement, laquelle doit déduire la valeur de l’objet du coût des opérations d’enlèvement et, si ce coût est inférieur, reverser le surplus au propriétaire. Pour autoriser la mise en œuvre de la procédure de confiscation, qui ne peut être engagée qu’à l’encontre du propriétaire » (ce qui diffère, relevons-nous, de l’habitude qu’a l’administration en matière de CGV de se contenter de poursuivre le responsable objectif (cf. CE, 12 février 1965, CHOTARD-CHAVANON)), « le juge de la contravention de grande voirie doit tenir compte de la nature et de l’usage des biens concernés et s’assurer de la nécessité d’une telle mesure pour garantir la couverture des coûts exposés afin de mettre fin aux désordres, laquelle ne peut être ordonnée que si cet objectif ne peut être atteint selon d’autres modalités. Lorsque ces coûts n’ont pu être déterminés à la date du jugement, le contrevenant conserve la faculté de contester ultérieurement leur montant devant le juge, s’il lui paraît excessif ». Autrement dit, comprend-t-on entre les lignes, de sérieuses garanties existeraient. Et le juge va en tirer les conclusions qui lui en semblent logiques : l’article litigieux du CG3P serait bien conforme à la Constitution.
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