Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 25 octobre 2017, Fédération morbihannaise de la Libre Pensée & alii (396990)

Ceci est une croix : un symbole religieux !

Le CE n’y est cette fois pour rien (ce sont les joies du contentieux et des parties parfois de mauvaise foi ce qui en matière de laïcité est évidemment savoureux) mais nous en sommes arrivés au stade où il faut demander – un siècle après la séparation légale sinon constitutionnelle des Eglises et de l’Etat – à un juge de cassation si une croix gigantesque chrétienne et catholique romaine surplombant la statue d’un ancien souverain pontife est – ou non – un symbole religieux ! Etonnamment (sic) la réponse est oui (c’est pourtant simple et basique) et lorsqu’elle est implantée dans l’espace public, elle est conséquemment contraire à l’art. 28 de la Loi du 09 décembre 1905 et doit donc être retirée. Gageons que si la question avait concerné un minaret ou une étoile de David, la réponse eut paru plus évidente à la commune de Ploërmel, auteure de la croix litigieuse et de son arche surplombant une statue de Jean-Paul II offerte par l’artiste russe Tsereteli. La délibération actant ce don datait de 2006 et a été attaquée en 2012. Le TA de Rennes, en 2015, a fait droit aux prétentions des requérants et demandé le retrait de l’espace public de l’ensemble formé par la statue, son arche et sa croix (dont le subventionnement public avait été annulé par la juridiction administrative ; TA Rennes, 31 déc 2010) alors que la même année la CAA de Nantes, parfois réticente à la notion de laïcité et soucieuse de l’héritage chrétien comme ont pu le témoigner ses récentes décisions en matière de crèches de la nativité (cf. CAA Nantes, 06 octobre 2017, Département de la Vendée (16NT03735) avec nos obs.), a annulé le jugement de TA. Formellement, cela dit, la Cour avait relevé d’office à l’aide de la commune un argument de poids dans ce contentieux de l’excès de pouvoir visant une délibération de 2006 (ce qui n’interdisait donc pas d’autres voire de futures actions connexes) : l’acte communal (qualifié de non réglementaire et de non créateur de droit) était en effet depuis des années devenu définitif et donc n’était plus susceptible de contestation directe.

(…)

En 1795, à Ploërmel, les Chouans avaient abattu les arbres républicains de la Liberté. En 1905, à Ploërmel, la Loi de décembre rencontra de violentes difficultés. Tous les siècles, un événement de ce type s’y produit : en 2006 ce fut la statue papale. Vivement 2105 !

 

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