Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CC, 20 octobre 2017, JM L. (2017-666)

Apparences & impartialité du Conseil d’Etat

Le juge administratif français de droit commun (TA, CAA & CE) n’est pas encore paré des mêmes garanties constitutionnelles que son homologue judiciaire. Il pèse alors sur le juge « en cravate et en veston » (à la différence du juge judiciaire en uniforme et en robe) plusieurs a priori notamment dûs à son histoire et à ses origines directement établies au cœur de l’administration active. Il suffirait peut-être, pour éviter tout a priori ou crainte des justiciables, de séparer davantage les chambres ou formations de jugement du CE des sections administratives mais c’est un pas qui ne semble pas encore acquis. Alors, même si les apparences sont parfois contre lui à l’image d’une pétéchie sur un corps pourtant en bonne santé, le Conseil constitutionnel vient ici à la rescousse de son homologue en matière administrative pour expliquer que tout va bien car toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité seraient réalisées en droit comme en faits. En l’occurrence, le juge de la rue de Montpensier a été saisi (CE, 19 juillet 2017, req. 411070) d’une QPC portant sur la constitutionnalité de l’art. L 131-4 CJA. Le CE, comme il sait parfois le faire, aurait très bien pu estimer la question non sérieuse et répondre de lui-même que tout allait bien mais – dans un souci de transparence et surtout croyons-nous – pour renforcer sa propre légitimité a donc demandé à son voisin du Palais royal de statuer.

(…)  En conclusion, il ne s’agit évidemment pas de dire ici (car nous ne le pensons pas) que le juge administratif français de 2017 est par définition partial ou que parce que la numérotation de la décision QPC est 2017-666, elle serait d’essence diabolique. Nous pensons simplement que le CE gagnerait en sérénité à éviter qu’on se pose la question de son impartialité du fait d’apparences en consacrant davantage une séparation matérielle de ses formations administratives et contentieuses même héritées d’une histoire somptueuse. Simple ? Basique.

CE, 16 octobre 2017, E. & alii. (383459 &395480)

Contestations de la régularité d’un concours & charges des preuves

Même si de plus en plus il est possible d’accéder aux emplois de fonctions publiques de façon contractuelle, le concours demeure heureusement et incarne– ici pour le corps des ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts – la porte d’entrée la plus légitime (selon nous) et objective au secteur public. A priori, le choix des agents est effectivement plus objectif – du fait de la collégialité des jurys, de leur caractère plus transparent, des règles et même des principes généraux du Droit qui s’appliquent comme en l’espèce aux concours – que lors de recrutements directs et contractuels. Il en va ainsi des surfaces conoïdes comme des recrutements par concours : tous sont réglés et non laissés à l’opportunité libre. Toutefois, si le concours semble ainsi plus adapté à l’idéal républicain et démocratique tel qu’incarné par l’art. 06 de la DDHC consacrant les talents et les vertus, il faut qu’il puisse être contesté au cas où son déroulement aurait manqué à la légalité. Ici, par deux requêtes jugées connexes et dénonçant tant les opérations de concours et la délibération du 05 juin 2014 les clôturant que leur résultat proclamé par décret présidentiel en date du 07 septembre 2015, des requérants faisaient état de sévères manquements mais – conclura le juge – la preuve de ceux-ci n’a pas été suffisamment apportée.

(…)

CE, 16 octobre 2017, CHR de Metz-Thionville (391963)

Compétences juridictionnelles, reprise d’un salarié en CDI et besoins du service public

Le présent arrêt fait suite à un long contentieux opposant l’ancien directeur adjoint en CDI d’un hôpital privé dont l’activité de service public administratif a été reprise, dans le cadre de l’art. L 1224-3 du code du travail, par une entité publique (le CHR de Metz-Thionville). En application de l’art. précité, un CDI de droit public reprenant les clauses substantielles de son contrat originel aurait dû lui être proposé. Or, recevant une proposition de CDI de « chargé de mission », l’ancien directeur a considéré que lesdites clauses substantielles n’avaient pas été reprises (ce qui semble effectivement ne pas avoir été le cas). Licencié pour ne pas avoir accepté l’offre, l’homme a saisi le conseil des prud’hommes qui a « sursis à statuer sur cette demande jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle de la conformité de la proposition de contrat de droit public faite par le centre hospitalier régional aux dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail ».

(…)

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