Réflexions suite à la décision
du Conseil Constitutionnel n°2012-655 DC du 24 octobre 2012

La lecture de la décision du Conseil Constitutionnel ici commentée (n° 2012-655 DC en date du 24 octobre 2012[1]) et celle des documents qui ont permis sa double saisine par plus de 60 sénateurs et plus de 60 députés, conduit le spectateur constitutionnaliste à se poser plusieurs questions. Il faut alors dépasser l’exceptionnel engouement médiatique qu’a provoqué ladite décision et ce, non seulement parce que le sens de cette dernière avait été révélé (sinon prédit) par le gouvernement avant sa publication mais encore parce qu’elle a conduit à l’une des rares annulations totales[2] du texte et non à des censures partielles ou encore à des réserves d’interprétations. Il y s’agit d’un réel camouflet politique et stratégique pour l’exécutif français. Certes, cela n’a pas empêché, au fond, le texte (qui s’appelle encore « Loi Duflot[3] ») d’être (re)pris et même d’être adopté[4] très rapidement mais les formes qui y ont été employées révèlent malheureusement – de la part des gouvernants – une certaine forme de mépris envers les chambres ; mépris que semble cautionner – au cœur des assemblées – les majorités parlementaires acquises au Président de la République.

L’absence de revalorisation parlementaire constitutionnelle en 2008. Il nous a déjà été permis d’écrire[5] que nous doutions très fortement de ce que la Loi constitutionnelle en date du 23 juillet 2008 ait procédé à une revalorisation parlementaire et ce, contrairement à tout l’effort médiatique et quasi marketing mis en place pour ce faire[6]. Certes, quelques valorisations des prérogatives parlementaires et du Parlement ont bien été mises en action (on songe par exemple aux efforts réalisés depuis la Présidence Debré en matière de qualité de la Loi ou encore – au moins formellement – à la répartition de l’ordre du jour des assemblées et – ainsi qu’il en sera question ici – à un reconditionnement des commissions législatives et de leurs pouvoirs). Mais ces améliorations ne sont rien par rapport au chantier qu’il faudrait avoir le courage de mettre en œuvre. Malgré la 24ème révision constitutionnelle de 2008, l’équilibre des pouvoirs entre 1958 et 2012 n’a pas été modifié dans la Constitution française[7] : c’est toujours, hors cohabitation, le Président de la République, chef de l’Etat, qui est à la tête de ce dernier et le Parlement, endormi par le fait majoritaire, n’a à sa portée que quelques fragments émiettés par une prétendue séparation des pouvoirs qui offre à l’exécutif une collaboration et une concentration fonctionnelle de ceux-ci.

I. Et si la revalorisation constitutionnelle et parlementaire venait (enfin) du juge ?

On le sait, le juge constitutionnel français a d’abord été conçu puis mis en place afin de contrôler le Parlement, dans le cadre des techniques dite de rationalisation du parlementarisme[8]. Ses premières décisions[9] se sont ainsi faites l’écho d’une mise en avant des prérogatives du seul gouvernement au détriment de celles des assemblées. Il y s’agissait, selon les mots célèbres de Michel Debre, d’une « arme contre la déviation du régime parlementaire[10] ».

Désormais, un changement s’opèrerait. La procédure et les faits litigieux sont les suivants : le projet de Loi « relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production du logement social[11] » a d’abord été délibéré en conseil des ministres le 05 septembre 2012 et ce, après avoir été examiné en Conseil d’Etat le 03 septembre précédent. Comme il s’agit d’une des réformes importantes du « nouvel » exécutif qui tenait à ce que la norme soit adoptée au mieux et au plus vite, il a été décidé non seulement de recourir à la procédure accélérée[12] (art. 45 alinéa 02 de la Constitution) mais encore d’y procéder au sein d’une nouvelle session extraordinaire supplémentaire (art. 29 de la Constitution). En effet, pour ne pas avoir à attendre la nouvelle session ordinaire et annuelle débutant en octobre 2012 (et déjà très chargée), il a été acté de convoquer à nouveau le Parlement en session supplémentaire et ce, alors que les mois d’été précédents en avait déjà bénéficié[13]. En l’occurrence, c’est un décret du 04 septembre (modifié dès le lendemain) qui a procédé à la convocation parlementaire (à compter du 11 septembre suivant) et a acté le fait que le projet de Loi sur le logement social y serait au programme[14]. Partant, la Conférence des Présidents du Sénat (Chambre devant laquelle le projet était déposé le même jour ; 05 septembre 2012) a inscrit un débat en séance sur ledit texte au 11 septembre après-midi une fois que la Commission des Affaires Economiques s’est réunie en matinée pour procéder à l’examen[15]. Dès le 13 septembre, le Sénat a pu adopter le texte et c’est le 26 courant que l’Assemblée Nationale y a également procédé. Comme des dispositions restaient en discussion et n’avaient pas été votées de façon identique par les deux Chambres, une Commission Mixte Paritaire (CMP) a été réunie et les 09 et 10 octobre suivants, le Sénat et l’Assemblée Nationale ont voté le texte qui en résultait. C’est ce même jour que la « petite Loi » a été soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel par 160 sénateurs puis par 82 députés (le 13 octobre 2012).

Sans même examiner (pour l’instant) le fond des dispositions de la Loi déférée devant lui, le Conseil s’est concentré sur la « constitutionnalité externe » du texte[16] et a annulé l’ensemble du texte sous le seul motif de la contrariété à l’article 42 de la Constitution. En effet, retient-il pour fonder sa censure, « il ressort des termes de cet article que le constituant a entendu que, après inscription à l’ordre du jour (…), la discussion d’un projet ou d’une proposition de loi porte en séance sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 ». Or, relèvent les dix juges de la rue de Montpensier (en la présence de l’ancien Président Giscard d’Estaing), si la Commission des Affaires Economiques du Sénat a bien « conclu ses travaux le matin même en adoptant « le projet de loi ainsi modifié » », malgré « l’adoption de ce projet par la commission permanente compétente, l’examen du texte en séance publique (…) a porté sur le texte du projet de loi dont le Sénat avait été saisi ».

Interprétation(s) authentique(s) de l’article 42. Ce faisant, le Conseil Constitutionnel est venu donner son interprétation du sens de l’alinéa premier in fine de l’article 42 de la Constitution. Celui-ci dispose : « la discussion des projets et des propositions de Loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43, ou à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie ». D’abord, c’est évidemment ici l’expression « à défaut » qui a été l’objet des discussions et des tentatives d’interprétation antonymes par les représentants de l’exécutif et les sénateurs et députés auteurs des saisines parlementaires. Ensuite, il faut rappeler que cet article 42 a été modifié par la Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et qu’avant sa mise en œuvre (de 1958 à 2008) les projets de Loi étaient toujours discutés, en assemblée plénière, sur la base du texte gouvernemental et non à partir du texte amendé et travaillé par la commission législative qui en avait été chargée. Il s’agit là d’une réelle revalorisation. Désormais, s’il existe un texte adopté par la commission législative saisie, ce texte doit s’imposer et matérialiser la trame de travail des parlementaires[17]. Le nier reviendrait (et est en l’occurrence revenu) à considérer l’action parlementaire comme inexistante et ce, aux seuls profits et desiderata du pouvoir exécutif.

A défaut : Sens unique ? Toutefois, et contrairement à ce que d’aucuns ont écrit après l’annulation (ce qui est toujours facile a posteriori), la décision à prendre par le Conseil Constitutionnel n’était pas aussi certaine ou évidente qu’on veut bien le dire aujourd’hui. En effet, ainsi que le soulignaient le gouvernement et la Présidence du Sénat dans leurs observations[18], si la Commission des Affaires Economiques avait bien eu le « temps » (sic) de se réunir le matin du 11 septembre pour examiner notamment quelques amendements et le texte originel du projet de Loi Duflot, formellement, il n’était ressorti de cette réunion aucun texte consolidé comme habituellement (et comme le prévoit l’art. 28 ter du Règlement du Sénat[19]) mais seulement un rapport (« distribué juste avant le début de la séance[20] ») aux côtés de l’étude d’impact transmise dès le 05 septembre soit six jours plus tôt[21]. A ce dernier égard, on notera que l’étude d’impact – si elle a bien manifestement été transmise – ne semble en revanche pas avoir été soumise à temps aux membres de la Conférence des Présidents ce même 05 septembre. En effet, le texte parvenait aux services sénatoriaux alors que la réunion se matérialisait. Toutefois, ainsi que le relève le gouvernement dans ses observations au Conseil Constitutionnel : « s’il n’était pas matériellement possible à la Conférence des Présidents de disposer de l’étude d’impact qui était en cours de transmission (…), la Conférence était toutefois en mesure, dans les jours qui suivaient, de se réunir à nouveau et de faire usage de la prérogative qu’elle tire de l’article 39 de la Constitution ». Mais, surtout, puisqu’il n’existait pas de réel texte parlementaire, il pouvait tout à fait être soutenu par le Conseil Constitutionnel (qui depuis 1958 a toujours été prompt à défendre les prérogatives gouvernementales), que l’exécutif, procédure accélérée oblige, n’avait pu faire autrement que de présenter « son texte » en l’absence d’autre alternative réelle c’est-à-dire « à défaut » de travail parlementaire complet. On sait qu’en première lecture pour certains textes importants comme ceux de révision constitutionnelle ou encore de finances et de financement de la sécurité sociale (art. 42 alinéa 02), c’est bien à partir du projet gouvernemental que la séance plénière se déroule. En outre, avait déjà indiqué le rapporteur Hyest (au nom de la Commission des Lois du Sénat) à propos de ce même article 42 : « Dans l’hypothèse où la commission ne se serait pas prononcée sur le texte ou l’aurait rejeté, la discussion porterait sur le texte dont l’assemblée a été saisie. L’absence de dépôt de conclusion ou le rejet de l’ensemble du texte n’interdirait donc pas son inscription à l’ordre du jour afin de préserver les prérogatives reconnues au Gouvernement par l’article 48 de la Constitution »[22]. Ces travaux, en conclut le commentaire « autorisé » du Conseil Constitutionnel[23], « fournissent des éléments pour comprendre le terme « à défaut » du 1er alinéa de l’art. 42 de la Constitution. Ce terme vise les cas où la Commission saisie (…) n’aurait pas examiné l’ensemble des articles (…) ainsi que les cas où elle aurait rejeté l’ensemble du texte ». Et il n’y aurait pas d’autres hypothèses à prendre en compte : « si la commission n’a pas eu le temps d’examiner le texte, ne l’a examiné qu’en partie ou n’a pas voulu le faire pour montrer sa désapprobation ou encore la rejeté, la discussion est engagée sur la base du texte du Gouvernement ».

Les travaux niés de la Commission. Sur ce dernier point, on se permettra d’être en léger désaccord avec le commentaire autorisé. En effet, s’il retient (à juste titre selon nous) comme hypothèse de travail celle (en premier lieu) selon laquelle « si la commission n’a pas eu le temps d’examiner le texte », ce serait le projet gouvernemental qui servirait de base aux travaux du plenum, pour reprendre l’expression chérie par le sénateur Prelot[24] : alors force est de constater que le texte sur le logement social pouvait être considéré comme rentrant dans cette catégorie. Délibéré en conseil des ministres le 05 septembre 2012 et inscrit le même jour à l’ordre du jour sénatorial afin d’être examiné en commission le matin du 11 septembre pour une adoption en soirée : il est peu de dire que le temps a manqué à la commission pour réaliser sereinement ses travaux. Pourtant (on l’en félicitera), cette dernière avait réussi à anticiper le mouvement et la cadence imposés par le gouvernement. Non seulement, dès l’été 2012, elle avait procédé à la nomination d’un rapporteur (le sénateur Bérit-Debat) ainsi qu’à une quinzaine d’auditions sur le sujet du logement social mais encore, en moins d’une semaine de préparation et en une seule matinée, elle a – au moins – concrétisé le vote de quelques amendements afin de matérialiser l’existence d’un travail parlementaire.

Mais, après tout, c’est surement là où le bât blesse. La Commission des Affaires Economiques n’aurait-elle pas dû (au lieu de rendre un travail incomplet) ne rien statuer voire rejeter la méthode et donc le texte gouvernementaux ? Juridiquement, rien ne l’interdisait. Politiquement, on comprendra que la situation était plus compliquée. Mais il faut bien garder à l’esprit que la Commission elle-même était en pouvoir de changer la donne. En outre, ainsi que le souligne le Président du Sénat dans ses observations au Conseil Constitutionnel, il s’agissait également de concilier à l’urgence déclarée les « conditions essentielles d’exercice du droit d’amendement ». Pour en éviter une « parodie », la Commission sénatoriale aurait préféré ne pas adopter de texte complet et ne voter que les amendements proposés par son rapporteur mais ce, sans avoir matériellement le temps d’en examiner d’autres[25]. Quoi qu’il en soit, un texte (même formellement incomplet) a bien été enregistré en provenance de la Commission et ce texte n’est pas celui à partir duquel la séance plénière a débattu. Alors, reconnaît le ministre chargé des relations avec le Parlement : « le texte examiné en séance n’était pas le texte adopté par la commission mais celui qui avait été déposé par le Gouvernement »[26]. C’est pour cette raison et parce que formellement, également, la Commission avait conclu son rapport (même incomplet) par les termes « le projet de Loi ainsi modifié », que le Conseil Constitutionnel a considéré que le Gouvernement n’aurait ni pu ni dû imposer son projet de Loi originel comme support des débats du plenum. La commission ayant travaillé, il fallait tenir compte de son œuvre puisqu’elle s’était (même succinctement) prononcé « sur l’ensemble des articles du texte avant le début de l’examen en séance[27] ».

Un interprète co-constituant. Autrement dit, le Conseil Constitutionnel avait bien deux hypothèses à considérer : soit, appuyant le gouvernement (et la Présidence du Sénat), il estimait que le caractère inachevé du rapport de la Commission impliquait bien que le gouvernement mette en avant le seul texte véritable en débat ; soit, appuyant parlementaires (et opposition surtout), il estimait (comme ce sera le cas), que le texte – même incomplet – de la Commission des Affaires Economiques témoignait d’un réel travail parlementaire qui ne pouvait être occulté. Ce faisant, le Conseil Constitutionnel confirme une position de quasi « co-constituant » en interprétant ainsi l’article 42. Il ne faudrait d’ailleurs pas y voir de notre part une critique négative mais un simple constat. Il y aurait danger (et spectre du « gouvernement des juges ») si le Palais Royal agissait ainsi tous les jours et s’écartait manifestement de l’intention des constituants originaire et dérivé. Sur ce point, tel n’est cependant pas a priori le cas et – surtout – tel est bien le rôle d’un interprète authentique. On pourra continuer en doctrine à nier la création prétorienne parce que cela rassure, mais force est de constater qu’elle existe et que, en l’occurrence, elle est pertinente et louable. La constitutionnalisation du droit parlementaire[28] ne se réalise évidemment pas uniquement par les révisions constitutionnelles formelles : le juge[29] en est un acteur cardinal[30].

II. Et si les parlementaires du fait majoritaire revendiquaient vraiment leurs prérogatives ?

Il ressort des excellents travaux de Mme Mauguin-Helgeson que des trois pays limitrophes et contemporains suivants : France, Allemagne et Grande-Bretagne, c’est la France qui possède le moins satisfaisant des modèles parlementaires d’élaboration de la Loi : le gouvernement y impose ce qu’il veut à une majorité atone, « l’opposition n’est incitée en rien à percevoir sa fonction autrement que de façon essentiellement négative », de trop nombreux députés (les backbenchers) n’y sont pas investis et l’élaboration comme l’examen des futures normes se fait à une cadence infernale[31]. Nous ne croyons pas pour autant au prédéterminisme et / ou au fatalisme. Rien n’est acquis et il appartient, au moins en Droit, aux parlementaires (notamment à ceux de la majorité qui peuvent agir) de se manifester. Certains, du reste, le font et forcent le respect : ils travaillent, proposent, critiquent, mettent en œuvre, exigent des comptes, en rendent vis-à-vis de leurs propres actions, sollicitent, écoutent, amendent, etc. Ne cédons pas à l’antiparlementarisme primaire[32] ainsi qu’il était aisé de le faire il y a plus d’un siècle et ainsi que certains médias de fiction nous y entraînent parfois en dénonçant les travers de « bouffe-galettes ». Il faut croire en la République et en la noblesse de ses serviteurs et, au nom de ces principes, en appeler à ce que ces derniers aient le courage (politique) d’assumer et de revendiquer leurs prérogatives.

« Le Parlement doit tout exiger ». Considérons plutôt que les parlementaires français sont telles des Belles au bois dormant qu’il s’agirait seulement de réveiller. Car la Constitution et ses Lois organiques leurs offrent de véritables « armes » et pouvoirs qu’eux-mêmes ont décidé de ne pas actionner et que certains ont même manifestement abdiqués. Or, juridiquement, rien n’empêche la mise en place de réelles commissions d’enquêtes, le vote de propositions de Lois innovantes, celui d’amendements aux projets de Lois d’origine gouvernementale et même – évidemment – la mise en jeu de la responsabilité politique de l’exécutif aux termes des alinéas 02 et 03 de l’article 49 de la Constitution. Et, c’est parce que tout cet arsenal existe au cœur de la Loi fondamentale que nous pouvons considérer, au regard des prérogatives de l’exécutif, que nous sommes dans un régime formellement qualifié ou qualifiable de parlementaire. C’est pour cette même raison, non sans malices ou délices, que le Président François Mitterrand pouvait déclarer au Président de l’Assemblée Nationale, Philippe Séguin, et ce, en pleine cohabitation[33] : « Je crois le Parlement assez malheureux » précisément parce qu’il ne peut matérialiser et utiliser l’ensemble de ses moyens (de législature et de contrôle). Pour cette raison, ponctuait le Président de la République, le Parlement « doit tout exiger » et non se laisser malmener. Il appartenait donc aux parlementaires et à la Commission sénatoriale des Affaires Economiques de rejeter le texte ou encore de refuser de le voter et / ou de l’amender en quelques heures afin de procéder à un tel pantomime. En acceptant ces conditions de travail, les sénateurs le cautionnent. Il en est malheureusement de même à la lecture des observations précitées de la Présidence du Sénat. On comprend évidemment que, politiquement, le Président Bel se devait de soutenir la thèse gouvernementale mais l’on imagine que cela a dû lui coûter d’écrire par exemple que : « La mention, à la fin du compte rendu de l’examen en commission, page 88 du même rapport, selon laquelle « la commission adopte le projet de Loi ainsi amendé », ne signifie aucunement que la commission a adopté un texte » ![34] De même, lorsqu’en séance plénière, le 11 septembre au soir, le Président de la Commission des Affaires Economiques a expliqué (suite à des rappels au règlement), que sa propre formation n’avait pas adopté de texte complet, il aurait peut-être dû s’en offusquer au lieu de le constater simplement. Bien sûr, les parlementaires de l’opposition se sont délecté de l’annulation constitutionnelle et certains avaient d’ailleurs, dès la réunion du 05 septembre de la Conférence des Présidents, attiré l’attention de la majorité. En séance, de même, plusieurs rappels au règlement et des motions de procédure avaient été déposés. Mais, suite notamment à l’impérialisme du fait majoritaire[35] et parce que politiquement les députés (plus encore que les sénateurs) acceptent de se soumettre aux logiques partisanes qui leur imposent de nier leurs individualités et d’éventuelles aspérités, les majorités parlementaires – lorsqu’elles sont conformes à la majorité présidentielle – suivent aveuglément les consignes de l’exécutif et refusent le « combat ». Mais, redisons-le, rien ne s’oppose juridiquement à un réveil des parlementaires. Et celui-ci viendra d’eux-mêmes ou pourquoi pas, comme ici, du juge constitutionnel…

III. Et si le gouvernement était moins … pressé et … moins législateur ?

Démocratie vériste & Etat demo-liberal de Droit. La France est une démocratie et, comme toutes les « démocraties réelles[36] » ou véristes, elle n’est ni parfaite ni idéale. Elle est donc perfectible. Plus encore qu’un Etat de Droit, on serait tenté d’affirmer qu’elle s’inscrit, globalisation du droit oblige, au cœur d’un mouvement qui a adopté le label sinon le « pack » « d’Etat démo-libéral de Droit ». Dans cette optique, il est déplacé et inconvenant d’écrire ou de dire (comme d’aucuns l’ont fait) que la France est dans une position quasi dictatoriale vis-à-vis du Parlement et / ou du Peuple français. Certes, l’exécutif (et le gouvernement en l’occurrence) est à l’honneur en matière législative (du fait du contrôle de sa procédure notamment) mais cela n’est ni une spécificité nationale ni un déni total de démocratie. Si l’équilibre tient c’est que l’ensemble des acteurs politiques (et indirectement le peuple) le valide très majoritairement. Ainsi, constatait déjà en 1967 le député Chanderngor[37], notre Parlement n’est devenu qu’un « rouage technique, dont on ne peut se passer car il est un des attributs indispensables de la démocratie, et l’on tient à sauvegarder les apparences de celle-ci ».

Un Parlement co-legislateur. Car, en France notamment, le Parlement n’est devenu qu’un organe « co-législateur »[38]. Il ne fait plus la Loi mais vote – la plupart du temps – ce qu’il lui est demandé de voter. En témoignent aisément la multiplication (quel que soit le gouvernement et sa couleur politique) des recours à la procédure accélérée, à la réserve, au vote bloqué, à la seconde délibération, au contrôle très majoritaire de l’ordre du jour législatif, au droit de parole quasi illimité de l’exécutif lorsque les parlementaires peinent à dépasser des périodes comptées en minutes et parfois enserrées dans le « temps législatif programmé ». Le plus souvent, les chambres (même si l’expression leur déplaît) enregistrent ce que le gouvernement leur intime d’écrire puis de soumettre à la promulgation présidentielle. Dans certains cas, l’article 42 de la Constitution permet même (par exemple pour les Lois de révision constitutionnelle ainsi que pour les normes de financement de la sécurité sociale comme les Lois de finances) de discuter en assemblée plénière – malgré les éventuels travaux de la Commission saisie au préalable – à partir du seul texte d’origine gouvernementale et ce, comme si ladite Commission était niée. En ce sens, il faut dénoncer le recours trop fréquent à l’ancienne procédure d’urgence et désormais dite accélérée (article 45 alinéa 02 de la Constitution). On comprend naturellement, surtout en début de mandat présidentiel, que l’exécutif ait un lot important de réformes à faire passer et qu’il soit ou se sente pressé. Mais cette précipitation, l’exemple juridictionnel en témoigne, dessert l’action. En l’occurrence, la Loi (si elle n’avait pas été censurée) aurait été adoptée en seulement 36 jours[39] (courant du 05 septembre au 10 octobre 2012) ce qui est manifestement contraire aux temps de réflexions que devraient respecter parlementaires et gouvernants. Mais, cette fois, la coupe serait pleine : on assisterait – enfin – à une revalorisation parlementaire tant appelée des vœux de tous les démocrates et républicains.

IV. Les Commissions parlementaires ou la revalorisation continue

Le renouveau du Parlement passera par les commissions et passe déjà par elles. La très belle thèse de Mme Pauline Turk[40] nous invitait déjà à le croire en 2003 et la révision constitutionnelle de 2008 l’a manifestement confirmé. Désormais, un nouveau pas est accompli et il faut l’amplifier.

Revalorisations des Commissions. On peut en effet considérer que la révision constitutionnelle de l’été 2008 a conduit à affirmer cinq revalorisations au profit des commissions législatives et particulièrement à l’égard des commissions permanentes. En effet, non seulement le nombre de ces dernières a été augmenté (elles peuvent atteindre celui de 8 désormais) mais encore elles ont obtenu (article 43 de la Constitution) la compétence de principe d’étude des Lois (au détriment des commissions spéciales). En outre, et tel était bien l’enjeu à travers le projet de Loi Duflot, sauf textes et contextes particuliers, l’article 42 leur offre une réelle valorisation de leurs travaux en faisant débuter la séance plénière à partir du texte révisé et non – dans tous les cas – en fonction du projet gouvernemental. Ainsi, confie le Président Urvoas[41], le passage en commission était (avant 2008) une « répétition à blanc », désormais, il serait possible d’y agir et de décider. De surcroît, sauf procédure accélérée, il faut rappeler qu’en temps « normal », les commissions disposent même depuis quelques années d’un temps minimal de réflexion pour travailler en interne avant que le plenum ne se saisisse du débat (art. 42, alinéa 03). Enfin, le fait que le droit d’amendement y soit consacré est évidemment également une valorisation de poids.

Le temps parlementaire n’est pas celui des médias et de l’immédiat. Puisque le gouvernement procède aussi facilement à la mise en place de procédures accélérées[42], ne serait-il alors pas opportun de demander (enfin) une rationalisation des mœurs gouvernementales après avoir procédé pendant des dizaines d’années à celle du Parlement français ? On se souvient à ce propos des mots explicites du Président Accoyer en février 2010 : « J’ai solennellement fait savoir au gouvernement, avec le soutien unanime de la Conférence des présidents, que nous ne pouvions pas continuer à travailler ainsi pour la qualité de la loi, pour la qualité du débat démocratique et pour le respect des institutions ». Il serait d’ailleurs simple à cet égard d’imposer un nombre maximum de recours à la procédure accélérée par session (entre 5 et 10 par exemple) ou encore de requérir un vote (à la majorité qualifiée ou non) des chambres afin que ces dernières donnent leur accord (fut-il simplement formel) au recours à cette procédure. Bien sûr, on comprend les raisons politiques qui poussent le gouvernement et la Présidence de la République à mettre en œuvre de tels délais brefs et écourtés : les Français réclament des actions et des réformes immédiatement ainsi qu’une visibilité et du concret « tangible ». Cela répondrait d’ailleurs à la promesse électorale du candidat Hollande devenu chef de l’Etat : « le changement, c’est maintenant ». Toutefois, ceux qui connaissent et respectent les chambres de la Nation le savent : le temps parlementaire n’est pas et ne doit pas être ni celui des médias ni celui de l’immédiat. La Loi ne peut pas être votée en 36 jours comme si de rien n’était. Il s’agit là d’une insulte aux députés et aux sénateurs ainsi qu’à leur rôle originel de législateur devenu simple « co-législateur » soumis à l’exécutif.

En outre, la décision ici commentée nous permet de considérer l’une des rares censures totales d’un texte pour un motif de « constitutionnalité externe », c’est-à-dire de manquement aux règles procédurales d’édiction de la Loi[43]. Il s’agit bien là d’une exception car le Conseil Constitutionnel est bien plus enclin à sanctionner les atteintes à la « constitutionnalité interne », c’est-à-dire à la contrariété des textes législatifs à des contenus de valeur constitutionnelle qu’aux questions procédurales qui, pourtant, sont tout aussi constitutionnelles. A titre personnel, nous le regrettons. Car si la Constitution est présentée en qualité de Loi fondamentale, il nous semble préjudiciable qu’elle soit si peu respectée sur ces aspects de « mécanique constitutionnelle et institutionnelle ». Laisser par exemple se matérialiser les atteintes aux articles 34 et 37 de la Constitution et permettre au gouvernement notamment de ne pas être sanctionné lorsqu’il ne respecte pas la lettre constitutionnelle est un mauvais signe envoyé aux pouvoirs constitués. Nous regrettons à cet égard que la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (art. 61-1 de la Constitution) ne soit envisageable a posteriori qu’en cas d’« atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». S’il fallait enfin réellement respecter la procédure parlementaire, l’Assemblée Nationale et le Sénat en ressortiraient valorisés et épanouis.

V. Un Parlement aux écrans !

Enfin, la décision n°2012-655 DC marquera également les esprits à raison du cafouillage médiatique et communicationnel auxquels elle a donné lieu. Ceci nous conduira à deux brèves remarques.

D’abord, il faut rappeler cette « maladresse » qu’a eu le gouvernement, selon les mots judicieux de notre collègue le Pr. Jan[44], lorsqu’il a fait état, avant son officialisation, du sens de ladite décision. Auprès d’une radio, alors même que les publications (en ligne et au Journal Officiel) n’avaient pas eu lieu, le premier ministre avait annoncé l’annulation de la Loi sur le logement social provoquant un tollé médiatique, juridique et politique[45]. Par suite, un communiqué avait rectifié la position de M. Ayrault en indiquant que celui-ci n’avait fait « qu’anticiper » la décision juridictionnelle qui était à ses yeux évidente du fait d’un « cafouillage parlementaire ». Mais alors, si le gouvernement avait en effet (comme plusieurs commentateurs) anticipé la décision juridictionnelle ; s’il était inévitable que la censure se matérialise au nom de l’article 42[46], pourquoi l’exécutif – le sachant – a-t-il demandé au Président de la République de promulguer ladite Loi ? Pourquoi n’avoir pas interrompu la procédure pendant qu’il en était encore temps et ce, afin d’éviter une annulation ? En outre, comment peut-on sereinement invoquer un « cafouillage » présenté comme étant d’origine « parlementaire » alors que, précisément, la faute commise est bien celle du gouvernement en ce qu’il n’a pas tenu compte du texte produit par la Commission des affaires économiques ? Il nous semble singulièrement inopportun d’avancer une prescience de la décision du Conseil Constitutionnel pour revendiquer la diffusion de son sens a priori. Si le gouvernement était aussi certain de cette censure, il n’aurait pas dû se diriger vers une promulgation de son texte comme si de rien n’était. Pourquoi de même n’a-t-il pas été suggéré ou ordonné, comme le permet l’article 44 alinéa 05 du Règlement du Sénat, le vote d’une motion tendant au renvoi à la Commission du projet en débats ?

Cela dit, la présente décision et son contexte sont un excellent témoignage des relations entre le Parlement, les parlementaires et les médias qui ont tout naturellement relayé ces événements et les ont commentés. Précisément, à titre de conclusion, annonçons une manifestation prochaine à l’Université du Maine : un colloque intitulé « Le Parlement aux écrans ![47] » et dont l’un des objectifs sera de confronter les parlementaires et leurs pouvoirs à travers les écrans de la réalité comme de la fiction médiatiques.

 

NB : le présent texte fera l’objet d’une publication partielle aux Petites Affiches.


[1] Gicquel Jean-Eric, « Le respect de la procédure législative. Variations autour d’un soi-disant cafouillage parlementaire » in JCP E ; n°50 ; 10 décembre 2012 ; p. 2255 et s.

[2] Le commentaire autorisé (autrement dit la doctrine quasi officielle) du Conseil Constitutionnel (sur le site de l’Institution) indique qu’il s’agit de la 17ème censure totale d’une Loi et – particulièrement – la 8ème seulement pour un motif de procédure. Il s’agit donc bien ici d’une annulation d’exception.

[3] Du nom de sa promotrice, la ministre de l’Égalité des Territoires et du Logement, Cécile Duflot.

[4] Il s’agit même désormais de la Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 « relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social » (JO n°0016 du 19 janvier 2013 page 1321).

[5] Touzeil-Divina Mathieu, « Une dévalorisation parlementaire continue ! » in Politeia ; n° 18 ; 2012 ; p. 65 et s.

[6] Nous avons déjà parlé en ce sens de « révision-communication » : « Printemps & Révolutions arabes : un renouveau pour la séparation des pouvoirs ? » in Pouvoirs ; 2012, n° 143 ; p. 42.

[7] A contrario, notre collègue, le professeur Gicquel (dans sa note précitée) semble déceler de façon plus optimiste un « nouvel équilibre des pouvoirs » au profit du Parlement et dont l’art. 42 serait le « pilier ».

[8] Rousseau Dominique, Droit du contentieux constitutionnel ; Paris, Lextenso ; 2010 ; p. 23 et s.

[9] Cf. notamment les décisions n° 59-1 DC du 14 mai 1959 ; n° 59-2 DC du 24 juin 1959 et n° 59-3 DC du 24 juin 1959. Par ces actes, le juge a interprété tout silence constitutionnel comme impliquant pour les parlementaires une interdiction. A l’inverse, le gouvernement s’est vu reconnaître des prérogatives dans le même silence de la Constitution. Ainsi en fut-il (déjà en matière de logement) par la décision n°90-724 DC du 29 mai 1990.

[10] Debre Michel, « Discours devant le Conseil d’Etat » (27 août 1958).

[11] Dorénavant : « Loi sur le logement social ».

[12] Et, conséquemment, d’accepter au besoin la réunion d’une CMP après une seule lecture du texte par les deux Chambres avec la possibilité – surtout – que le texte soit débattu par le plenum sans attendre les délais d’examen (six et quatre semaines) qui doivent permettre aux commissions législatives de réaliser leurs expertises et leurs propositions.

[13] Notamment par le décret présidentiel du 27 juin 2012 ouvrant une première session au 03 juillet 2012.

[14] Cf. en dernier lieu le décret du 5 septembre 2012 complétant le décret du 4 septembre 2012 portant convocation du Parlement en session extraordinaire (NOR: HRUX1233796D) : Journal Officiel de la République Française ; n°0207 du 6 septembre 2012 ; p. 14393.

[15] Procédure, comme on l’a vu supra, qui n’a été rendue possible (hors du délai théoriquement incompressible de six semaines entre le dépôt du projet et son inscription en séance plénière) qu’en raison du prononcé et du recours à la procédure accélérée.

[16] Pour reprendre l’analogie avec le contentieux administratif telle que l’expliquait le doyen Vedel dans son célèbre article : « Excès de pouvoir administratif et excès de pouvoir législatif » paru aux deux premiers numéros (1996 et 1997) des Cahiers du Conseil Constitutionnel.

[17] Ce qui implique, avait insisté le Conseil Constitutionnel (aux considérants 34 à 36), la possibilité de présence des ministres lors des travaux des commissions législatives : décision n°2009-579 DC du 09 avril 2009 (Loi organique relative à l’application des art. 34-1, 39 et 44 de la Constitution).

[18] Toutes deux disponibles en ligne et en intégralité sur le site éponyme : www.conseil-constitutionnel.fr.

[19] Au terme duquel (alinéa 02) : « Le rapport de la commission présente le texte qu’elle propose au Sénat et les opinions des groupes. Le texte adopté par la commission fait l’objet d’une publication séparée ».

[20] Ce que relève en débats le sénateur Mezard (Journal Officiel, Débats ; Sénat, 11 septembre 2012 ; p. 2848).

[21] Certains, dont le député Karoutchi, ont nié ou contesté la transmission formelle de cette même étude qui aurait été transmise, selon les observations du gouvernement au Conseil Constitutionnel, « au travers du logiciel d’échanges Solon le mardi 05 septembre à 15h04 » et mis en ligne dès 16h03.

[22] Rapport au nom de la Commission des Lois sur le projet de Loi constitutionnelle (…) de modernisation des institutions de la Ve République ; n° 387 (session ordinaire 2007-2008), 11 juin 2008, Sénat ; p. 130.

[23] Que l’on trouve également en ligne sur le site précité de l’Institution.

[24] Prelot Marcel, Droit parlementaire français ; le pouvoir et les procédures parlementaires ; Paris, Les cours de droit ; 1958 ; 4ème fascicule ; par exemple p. 60 et s.

[25] Dans sa note précitée (spéc. p. 2257), le pr. Gicquel éclaire la présente décision à l’aune du droit d’amendement et explique qu’il a été « décidé en Conférence des Présidents que la Commission ne présenterait pas de texte afin que le droit d’amendement puisse s’exercer » notamment par l’opposition « dès le dépôt du projet de Loi ».

[26] Vidalies Alain, « Lecture des conclusions de la Commission Mixte Paritaire » in Journal Officiel, Débats ; Assemblée Nationale, 1ère séance du 10 octobre 2012 ; p. 3513.

[27] Talau Jean-Marc, « Un contretemps pour la Loi sur le logement social après la censure du Conseil Constitutionnel » in JCP A ; n° 43, 29 octobre 2012 ; act. 713.

[28] A propos de laquelle des travaux de doctorat sont actuellement en cours par M. Antonin Gelblat (Université Paris Ouest Nanterre La Défense ; Dir. Touzeil-Divina).

[29] Si tant est que cette qualité puisse lui être pleinement reconnue. A contrario : Joxe Pierre, « Interview » au Nouvel Observateur ; 03 mars 2010.

[30] A contrario et à propos de cette même décision n°2012-655 DC : Faure Géraldine, « Le juge constitutionnel au secours des commissions parlementaires » ; document hébergé sur le site Internet du professeur Pascal Jan : www.droitpublic.net/spip.php?article4303.

[31] Mauguin-Helgeson Murielle, L’élaboration parlementaire de la Loi ; étude comparative (Allemagne, France, Royaume-Uni) ; Paris, Dalloz ; 2006 ; p. 483 et s.

[32] On pense ici évidemment à tous les mouvements d’extrêmes droite et gauche qui, alors qu’ils en font du reste partie, fustigent les « élites » notamment parlementaires aux motifs qu’elles seraient déconnectées du « peuple réel de France », « pourries », ne protégeant que « leurs intérêts », etc. On notera que ce mouvement était encore plus important (mais pour des mots d’ordre similaires) sous la 3ème République et ce, particulièrement, autour de la crise dite de Panama. A ce propos : Bouhey Vivien, Les Anarchistes contre la République, Rennes, PUR, 2008.

[33] Discours du Président François Mitterrand, le 19 avril 1995 lors de l’inauguration, au Château de Versailles, de l’exposition permanente sur l’Assemblée Nationale.

[34] Le sentiment que l’on ressentirait presque ici est celui selon lequel le Conseil Constitutionnel a ici aidé la Commission sénatoriale… malgré elle.

[35] On notera que les propositions issues des travaux de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique n’entendent en revanche pas « remettre en cause les acquis du fait majoritaire. Favoriser la constitution d’une majorité claire, afin d’assurer la stabilité gouvernementale : tel est le premier objectif qui doit être assigné au mode de scrutin applicable aux élections législatives » (Jospin Lionel (dir), Pour un renouveau démocratique ; Paris, La documentation française ; 2012, p. 39). Nous ne partageons pas la totalité de cette opinion car si nous sommes en effet convaincu de l’utilité du fait majoritaire dans la recherche d’une nécessaire stabilité gouvernementale, nous pensons qu’il est opportun non seulement d’en réduire les effets mais encore qu’en régime parlementaire ladite stabilité ne doit pas se réaliser au détriment de l’action parlementaire.

[36] Au sens où l’emploie notamment le maestro di Torino. A cet égard : Champeil-Desplats Véronique, Norberto Bobbio : pourquoi la démocratie ?; Paris, Michel Houdiard ; 2008. On y préfèrera quant à nous l’expression de « démocratie vériste » pour reprendre ici une image lyrique.

[37] Chandernagor André, Un Parlement, pour quoi faire ? ; Paris, Gallimard ; 1967 ; p. 41.

[38] Chandernagor écrivait même quant à lui que le gouvernement était devenu le « législateur de droit commun » ; op. cit. ; p. 52.

[39] Malheureusement, cette frénésie normative n’est pas propre au cas français. On la retrouve sur l’ensemble du globe et même parfois pour des textes constitutionnels. On se permettra de renvoyer à : Touzeil-Divina Mathieu, « Un rendez-vous constituant manqué ? Où fleuriront au Maroc le jasmin et la fleur d’oranger ? » [à propos de la révision constitutionnelle marocaine du 01 juillet 2011 et son caractère singulièrement précipité] in RDP ; n°3 – 2012 ; p. 687 et s.

[40] Turk Pauline, Les commissions parlementaires permanentes et le renouveau du Parlement sous la Cinquième République ; Paris, Dalloz ; 2005.

[41] Urvoas Jean-Jacques & Alexandre Magali, Manuel de survie à l’Assemblée Nationale ; l’art de la guérilla parlementaire ; Paris, Odile Jacob ; 2012 ; p. 123 et s.

[42] Et ce, même si l’on a constaté – il est vrai – une heureuse diminution en 2010-2011 de cette mise en œuvre par rapport à la session ordinaire de 2009-2010. Pour la session actuelle, la procédure a déjà été enclenchée (au jour où nous écrivons) une douzaine de fois ce qui n’augure pas d’une diminution générale a priori. On notera à ce titre que l’art. 45 de la Constitution a même été déjà mis en œuvre pour le vote du projet (n°402) de Loi « relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social » autrement dit pour la Loi Duflot II relative au logement social !

[43] On l’a dit, il n’y a eu que 8 décisions pour 659 décisions d’examen de conformité (au 13 décembre 2012).

[44] Interview donnée au journal Libération (24 octobre 2012).

[45] Lombard Marie-Amélie, « Logement : Jean-Marc Ayrault prend les sages de vitesses » in Le Figaro ; 24 octobre 2012. L’auteur citant notamment l’étonnement de notre collègue le pr. Maus en la matière.

[46] C’est ainsi que débute le commentaire à la Gazette du Palais : « Sans grande surprise … » (25 octobre 2012).

[47] Colloque organisé le 05 avril 2013 par le Collectif L’Unité du Droit (www.unitedudroit.org) et le laboratoire juridique Themis-Um (ea 4333) de l’Université du Maine et ce, dans le cadre de la 2nde édition des « 24 heures du Droit ». Plus d’informations : www.24hdudroit.org.

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