Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. En voici un extrait :

CE, 04 octobre 2012, Rousseaux (req. 347312)

Le concours qui n’en était pas un … était une nomination viciée !

A priori, un recrutement d’enseignement du supérieur comme tout recrutement de fonctionnaire(s) se réalise, aux termes de l’art. 19 de la Loi statutaire du 11 janvier 1984, par concours. En apparences, c’est d’ailleurs ainsi que cela semblait se passer concernant les chaires des professeurs du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et ce, selon les dispositions du décret du 22 mai 1920. Avant la nomination formelle par décret du Président de la République, une procédure est ainsi organisée au cours de laquelle le conseil d’administration du CNAM (après avis de son conseil scientifique) établit une liste composée de deux candidats au moins ou trois propositions au plus. Par suite, l’Institut de France présente également sa liste puis le ministre chargé de l’enseignement supérieur retient le candidat a priori désigné premier et soumet sa nomination à la signature présidentielle. C’est précisément un tel décret en date du 11 janvier 2011 et ses délibérations y conduisant qui ont été contestées par un candidat évincé au poste de professeur titulaire de la chaire d’économie et gestion de l’industrie numérique et des nouveaux médias.

Le présent arrêt – singulièrement riche – offre alors de nombreux intérêts. D’abord, il permet au Conseil d’Etat après avoir rappelé « les principes généraux du droit des concours » en un considérant de principe que le recrutement litigieux ne procédait pas d’un concours mais – à titre dérogatoire comme le permet l’art. 19 de la Loi précitée – d’une nomination éclairée par les avis – non liants – des membres de l’Institut de France ainsi que des deux conseils du CNAM. Conséquemment, les différentes délibérations attaquées ainsi – même – que la proposition du ministre ne peuvent-elles être considérées comme des actes décisoires mais seulement au titre d’actes préparatoires au décret présidentiel. Seul ce dernier était donc susceptible de recours contentieux. Cela acquis, restait à en examiner la légalité. Or, y apparaissent des vices flagrants de procédure en ce que par exemple le conseil d’administration du CNAM et l’Institut de France n’ont « proposé » qu’un seul candidat alors qu’ils devaient en suggérer au moins deux. En outre, les faits démontrent qu’il existait d’autres candidats (dont le requérant) que le conseil scientifique du CNAM avait, quant à lui, reconnus. A minima, les administrateurs du Conservatoire auraient donc pu et dû classer deux candidats. Partant, conclut le juge, la procédure ainsi viciée est « susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision » attaquée. Enfin, l’autorité de nomination étant toujours libre de renoncer à pourvoir le poste vacant, le CE n’enjoint naturellement pas au CNAM de reprendre le recrutement. Il se mettrait sinon … à administrer.

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