Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 27 juin 2018, Syndicat national de l’enseignement supérieur SNESUP-FSU (419595)

La liberté de conscience d’un agent prêtre et administrateur prime sur la laïcité de tous les agents et usagers du service public (Lol bis la Laïcité)

On se souvient qu’en décembre dernier (TA de Strasbourg, 14 décembre 2017, 170306 avec nos obs. au Jcp A), le TA de Strasbourg avait rejeté (à tort selon nous) la demande d’annulation de l’élection du président de l’Université de Strasbourg au regard de sa qualité parallèle et concomitante de prêtre, ministre du culte catholique. Le TA avait également rejeté l’argument de la contrariété à la Constitution de l’art. L 712-2 du Code de l’éducation organisant l’élection présidentielle à l’Université en ce qu’il aurait dû faire l’objet d’un mémoire – à part – en vue d’une question prioritaire de constitutionnalité. Parallèlement au pourvoi en cassation, une telle QPC a donc désormais été formée et le CE – sans encore toucher au fond (qu’on attend presque avec impatience) – n’a traité dans la présente décision que de la question de la recevabilité et de l’éventuelle transmission de ladite QPC. Sur ce point donc, le CE devait indiquer si l’examen, par le Conseil constitutionnel, de la conformité de l’art. L 712-2 au regard des principes constitutionnels de laïcité et d’indépendance de l’enseignement supérieur et de la recherche, présentait un caractère sérieux impliquant transmission aux « sages » de la rue de Montpensier. Pour ce faire, le CE va d’abord rappeler l’art. 10 de la DDHC en soulignant le fait que nul – et donc pas même un président d’Université – ne doit être inquiété pour ses convictions et croyances religieuses tant que la manifestation de celles-ci ne trouble pas l’ordre public. Par ailleurs, au visa de l’art. 1er de la Constitution, la France est une République laïque impliquant une « neutralité de l’Etat, le respect de toutes les croyances et l’égalité de tous les citoyens devant la Loi sans distinction de religion ». Par suite, le CE en conclut en premier lieu que rien

(…)

Redisons-le nous comprenons qu’un ministre du culte – et évidemment des croyants – accèdent à des fonctions publiques mais ici la question ne concerne pas l’accès à l’Université d’un futur collègue mais la direction d’un établissement académique par un ministre du culte dépendant d’une religion de façon ouverte, explicite et expresse. Si demain un imam ou un rabbin se présentait à la présidence de l’Université du Mans (ou ailleurs) dirait-on la même chose ? N’y verrait-on pas une dépendance évidente ? Que les croyances du Président soient respectées ne pose pas de réelle difficulté : le président peut croire ou ne pas croire ce qu’il veut. Ce qui pose problème en cette affaire ce sont les pouvoirs d’administrateur sur les biens et les personnes (agents et usagers du service public) qui seront ici exécutés sous dépendance religieuse officielle. C’est la qualité même de ministre du culte qui devrait être incompatible avec les fonctions présidentielles. Enfin, il paraît étonnant (et c’est un euphémisme) de conclure à la primauté du respect de la libre croyance d’un administrateur seul face au non-respect de la neutralité d’un service auquel participent ou sont soumis des milliers d’usagers et d’agents. Il ne nous a, cela dit, pas échappé qu’entre temps le Président de la République avait accepté les fonctions cumulées de chanoine de la basilique de Latran ce qui lui permettra notamment d’y entrer de façon folklorique à cheval mais ces mêmes fonctions ne sont que symboliques et historiques (ce qui n’empêche pas de les remettre en cause par ailleurs) et ce, à la différence de celles, concrètes et véhiculant des pouvoirs réels, de Président d’Université.

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