Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative.
Voici un extrait du prochain numéro :
CÉ, 28 octobre 2022, Oniam (434968)
Indemnisation non automatique via l’Oniam des ayants-droits d’une personne décédée
La Loi du 9 août 2004 a notamment complété la Loi dite Kouchner du 04 mars 2002 en permettant à l’art. L. 1142-1 du Code de la santé publique (Csp) « l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d’une personne décédée en raison d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale ». Afin d’être indemnisé, toutefois, ce préjudice implique que les juges du fond établissent, en premier lieu, que le décès soit la conséquence de l’acte médical litigieux. C’est sur ce dernier point qu’importe le présent arrêt soulignant le non-automatisme de l’indemnisation des ayants droits.
C’est en 2006, au CHU de Poitiers, qu’une patiente a subi plusieurs opérations et gestes médicaux ayant entraîné des troubles neurologiques et psychologiques conséquents. C’est, par suite, la famille de la patiente qui a (outre une action envers l’établissement de santé pour perte de chance et manquement à son obligation d’information) réclamé (pour elle-même mais aussi pour son époux et leurs enfants) une réparation des préjudices subis et ce, dans le cadre de la responsabilité sans faute permise à l’art. L. 1142-1 Csp devant l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (Oniam). Le TA de Poitiers, en 2017, y a fait droit en condamnant l’hôpital (pour la perte de chance précitée) et l’Oniam à la suite d’un accident médical déclaré « non fautif ». En appel, interjeté par l’Office, la CAA de Bordeaux a notamment mis à la charge de l’Oniam « l’indemnisation des ayants droits » de la patiente décédée en cours d’instance en 2019 et ce, « au titre de leurs préjudices propres ». En cassation (sur ce seul et dernier titre), le Conseil d’État va d’abord rappeler que la Loi du 9 août 2004 a certes permis, à la différence de sa version première en 2002, l’indemnisation potentielle des ayants droits d’une personne décédé en raison des faits et préjudices médicaux couverts au titre de la solidarité nationale « dès lors qu’ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain. Par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n’a pas bénéficié d’une indemnisation, les droits qu’elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application des règles du droit successoral résultant du code civil ». Autrement dit, les droits de la personne décédée sont continués alors que le droit positif la considère pourtant comme une « chose » au regard du même Code civil. Il y aurait peut-être de quoi ici réclamer un nouveau statut du cadavre (que les temps de Toussaint rappellent) pour lui donner davantage de personnalité juridique et humaine (mais on en est encore loin) (sur le sujet : Touzeil-Divina M., « Enfin le cadavre ne serait plus une chose mais une personne en Droit ? » in Revue Droit & Santé ;n° 79, sept. 2017, p. 732). En tout état de cause, précise ici le CÉ, si la Loi de 2004 (…)
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