Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative.

Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 15 juillet 2020, B. (423702)

Blason communal moins cultuel qu’historiquo-culturel

On le sait, dès que l’on traite d’une question juridique relative aux religions et à la Laïcité, les esprits s’échauffent rapidement. Deux éléments viennent en effet enflammer la réflexion et d’abord l’affirmation principielle du principe dit constitutionnel de Laïcité (que d’aucuns veulent « aménager » ou dont ils acceptent au nom du vivre-ensemble et de l’histoire les exceptions tentaculaires alors que d’autres, dont nous sommes, aimeraient un principe plus réaffirmé que ses trop nombreux tempéraments). Par ailleurs, la polysémie naturelle de nombreux signes vient troubler les débats puisqu’ils peuvent être tant cultuels que culturels et il s’agit alors de savoir lequel de ces adjectifs prime pour connaître sa place (autorisée ou interdite) dans l’espace public. Il en va ainsi, par exemple, des crèches de la nativité dont on pourra convenir qu’il s’agit – avant tout – de symboles religieux mais aussi, désormais, d’une représentation sociale et culturelle des fêtes de fin d’année (cf. CE, 9 novembre 2016, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne (n° 395122) et nos obs. « Ceci n’est pas une crèche » in JCP A 2016 ; n°45 ; p. 02 et s.). Cela dit, l’élément culturel ne doit jamais faire oublier le premier (cultuel) et notre regret est précisément que parfois d’aucuns mettent tant en avant l’aspect historique et culturel qu’ils en arrivent de mauvaise foi (et sans jeu de mots) à nier des symboles religieux pourtant manifestes. Il nous semble alors que si un symbole religieux est pleinement assumé culturellement comme étant le fruit et le seul reflet d’une histoire (qu’il ne s’agit aucunement de nier) et non la volonté d’un acte prosélyte, alors il devient audible de ne pas le considérer comme contraire aux principes de neutralité et spécialement de Laïcité et ce, malgré l’interdiction principielle (à l’art. 28 de la Loi du 09 déc. 1905) « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux » dans l’espace public à trois seules exceptions près : les lieux de cultes, ceux de sépultures ainsi que dans le cadre de musées et d’expositions. C’est à partir de cette dernière hypothèse culturelle que de nombreuses dérogations sont admises et l’ont ici été.

(…)

La Laïcité n’est en effet pas une négation des religions : elle en est simplement leur neutralisation dans l’espace républicain, temporel et civil. Aussi, lorsqu’un symbole qui ne nie pas son origine cultuelle (comme d’aucuns y compris en juridictions l’avaient tenté à propos des crèches de Noël) assume et explique une vocation principale culturelle, il ne nous semble pas qu’il y ait ici une atteinte au principe laïc. Ce blason, aux reflets patrimoniaux, est bien un fruit culturel et non une insertion cultuelle dans l’espace public.

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