Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CAA Nantes, 06 octobre 2017, Département de la Vendée (16NT03735)

La crèche publique de la nativité, symbole religieux « écran » accepté des Nantais

A l’approche de noël 2017, on aurait pu s’attendre suite aux médiatiques décisions du CE de 2016 (cf. CE, 09 nov. 2016, 2 décisions avec nos obs.) à ce que la température juridique, politique et médiatique baisse en matière d’expressions religieuses et laïques sur le territoire républicain. Et pourtant, au seul prononcé du mot laïcité, il fait aussi chaud qu’au cœur d’un cubilot et manifestement la température n’est pas prête de redescendre avec cet arrêt nantais. En 2015, déjà, par un arrêt n°14NT03400 en date du 13 oct., la CAA de Nantes avait estimé et ce, contrairement au TA de Nantes en premier ressort, que la crèche de la nativité installée par le conseil – autrefois – général de la Vendée autour de Noël 2012 dans le hall public de l’hôtel dudit département était une installation licite ne contrariant pas le principe pourtant dit constitutionnel de laïcité. Cassant l’arrêt, le CE (09 nov. 2016 préc.) a posé plusieurs principes pour savoir dans quelles hypothèses une représentation de la naissance du Christ pouvait, bien que religieuse, être tout de même installée par la puissance publique dans l’espace public dit laïc. A priori, a estimé le Palais royal, l’art. 28 de la Loi du 09 déc. 1905 prohibe l’installation dans l’espace public de signes ou emblèmes religieux mais ce, à trois exceptions limitativement énumérées et au nombre de trois : les édifices cultuels, certains éléments funéraires ainsi que les musées ou expositions. Partant, même si le CE se défend d’avoir créé une nouvelle exception, c’est pourtant bien ce qu’il a acté en acceptant l’hypothèse supplémentaire aux trois dérogations légales d’un emblème pourtant religieux dans l’espace public. En l’occurrence, précise-t-il (et reprend ici la CAA), la crèche de la nativité revêtirait différentes significations (ce qui est réaliste dans une société contemporaine occidentale et globalisée où Noël est – aussi- une fête familiale et commerciale et pas uniquement une célébration chrétienne). En outre, une crèche religieuse présentant un caractère qualifié de « culturel, artistique ou festif » verrait son aspect religieux gommé (alors qu’il est pourtant toujours présent). A l’instar de l’antique théorie de la Loi-écran, arriveraient grâce au juge des « crèches-écrans » permettant de ne plus voir le principe de laïcité mais uniquement le contexte dans lesquelles elles s’insèrent : un lieu particulier, un usage local particulier répété et une ambiance festive, culturelle ou artistique.

(…)

Il était pourtant bien plus simple d’affirmer qu’outre les trois dérogations dudit art., aucune exception nouvelle ne sera tolérée (et donc que la crèche chrétienne dans l’espace public est prohibée sauf s’il s’agit d’une exposition muséale ou d’un usage continu antérieur à 1905) plutôt que de démêler, comme vont s’en délecter les requérants, les bonnes des mauvaises crèches, le grain de l’ivraie ou les torons emmêlés d’une corde au moyen d’un épissoir. Pourtant, la solution n’était-elle pas « Simple. Basique » : une crèche de la nativité est – notamment – un symbole religieux non prévu par la Loi de 1905. Elle est donc interdite dans l’espace public. « Simple. Basique ».

TA Lyon, 05 octobre 2017, Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du Citoyen (LFDDHC) (1609063)

TA Lyon, 05 octobre 2017, Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône (FLP) (1701752)

La crèche publique de la nativité, symbole religieux refusé des Lyonnais

Chez les Chrétiens, le progrès de l’Homme vers Dieu (avant que le sens commun ne lui donne une autre signification funéraire) se nomme l’épectase. Au nom de la Loi du 09 décembre 1905 et surtout de l’article 01 de la Constitution, ce cheminement divin est prohibé s’il est matérialisé ou revendiqué par une personne publique : la République étant dite laïque et les sphères religieuses et temporelle étant séparées. Conséquemment, et sauf trois exceptions posées à l’art. 28 de la Loi précitée, les emblèmes et signes religieux sont-ils interdits de l’espace public français lorsqu’ils sont installés par la puissance publique. Ces derniers mois, cependant, des crèches de la nativité installées par des personnes publiques ont défrayé les prétoires et les médias mais aussi la sphère politique qui, en matière de laïcité, n’a pas la froideur d’une merzlota mais réagit au quart de tour et attise même parfois les replis identitaires. C’est ainsi en décembre dernier (2016), un mois après la décision principielle du Conseil d’Etat en la matière (cf. 09 nov 2016), que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé d’installer une crèche de la nativité dans le hall de l’hôtel régional situé à Lyon. Provocation ? Revendication politique et / ou religieuse ? Quelle que soit la motivation de cette décision, à propos de laquelle le juge va rappeler qu’elle n’a pas besoin d’avoir été matérialisée par un instrumentum si elle a – comme en l’espèce – bien été créatrice de droit (caractère décisoire), elle a été contestée par plusieurs associations qui l’ont portée devant le TA de Lyon.

(…)

Certes, l’art. 28 prévoit l’hypothèse des musées ou expositions mais les crèches dont il est question sont rarement accompagnées d’un argumentaire historique et culturel digne d’une exposition muséale et qui les rendraient du reste, selon nous, précisément conformes à l’esprit comme à la lettre de la Loi de 1905. Quant à l’hypothèse d’une crèche festive ou artistique, elle a de quoi inquiéter : demain, une ménorah géante et un Haï faits de leds clignotantes multicolores ne seront-ils pas considérés comme festifs ? Une chibouque islamique proposée aux passants pour fêter un Aïd ne seront-ils pas qualifiés de culturels et festifs ? Et si l’on s’évitait cela ? Une crèche de la nativité est – notamment – un symbole religieux non prévu par la Loi de 1905. Elle est donc interdite dans l’espace public. « Simple. Basique ».

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