Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. En voici un extrait relatif à une décision référencée : CE, 06 novembre 2013, C. D. (req. 366309)

Licenciement sans préavis d’un CDI « Jourdain » (qui s’ignorait)

Même si l’arrivée, en droit des fonctions publiques, du contrat à durée indéterminée (CDI) a déjà plus de huit années de pratique et de contentieux (suite à son introduction par l’art. 15 de la Loi du 26 juillet 2005), il existe encore de nombreuses hypothèses où des agents contractuels titulaires de contrats à durées déterminées (CDD) successifs sur plus de six années (sur moins de huit ans) sont régis par quelques employeurs publics comme s’ils étaient précisément en CDD. Alors, à l’instar du Monsieur Jourdain de Molière qui, sans le savoir, faisait de la prose, ces CDD sont, de jure et de facto, des CDI de droit public. En l’occurrence, la requérante a été successivement recrutée de 1998 à 2011 comme secrétaire d’un groupe d’élus du conseil général du Haut-Rhin, ce que prévoit l’art. L 3121-24 du CGCT. Son dernier contrat concernait l’année 2011 mais, le 28 mars courant, suite aux résultats des cantonales il a été indiqué à l’agent qu’aux termes de l’art. 4 de sa dernière convention, il serait mis fin à sa relation de travail non le 31 décembre comme originellement prévu mais, en l’espèce, trois jours plus tard : à compter du 31 mars et ce, « de plein droit » du fait de la modification du groupe d’élus auquel elle était affectée. L’emploi en question, reconnu comme « permanent », a pu être occupé non par un fonctionnaire titulaire mais par un contractuel puisqu’il rentrait bien dans la catégorie des exceptions ouvertes par l’art. 03 de la Loi du 26 janvier 1984. Au cons. 05, le Conseil d’Etat va d’abord rappeler que toutes les conditions d’applications de l’art. 15 précité étaient effectivement réunies : alors, le CDD de 2011 a-t-il été « transformé de plein droit en CDI à la date de publication de la Loi, soit le 27 juillet 2005 ». En conséquence, et puisque ce licenciement d’un agent en CDI de droit public ne pouvait se faire qu’après un préavis (sauf hypothèses – notamment – de licenciements pour faute ou inaptitude), la décision du 28 mars 2011 est-elle entachée d’illégalité. Elle entraîne même l’annulation de l’acte attaqué ainsi qu’une injonction, pour le conseil général, de réintégrer l’agent à la date de son licenciement irrégulier.

« Bon droit a besoin d’aide » concluait encore Molière dans la Comtesse d’Escarbagnas ce que ne démentira pas la requérante « Jourdain » du présent arrêt.

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