Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :
CÉ, 05 juin 2025, Nantes Université (491913)
La multiplication intensive des Cdd successifs, même à l’Université, vaut Cdi
C’est désormais une règle connue depuis que la Loi dite de transposition du droit communautaire à la fonction publique (n°2005-843 du 26 juillet 2005) en a posé l’un des principes : la succession continue de contrats à durée déterminée (Cdd), pour un même emploi (et généralement un même employeur) pendant six années, entraîne la requalification des Cdd en un unique contrat à durée indéterminée (Cdi). Le présent arrêt applique ce principe à la situation académique issue de la Loi dite Lru (n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités) permettant aux Universités ayant des compétences dites « élargies » de recruter plus aisément et indépendamment, par Cdd ou Cdi précise l’art. L. 954-3 du Code de l’Education. Toutefois, affirme le Conseil d’État, même dans ce cadre où l’employeur universitaire a le choix de la modalité contractuelle initiale, il ne peut s’extraire du principe protecteur pour les agents et travailleurs de la requalification en Cdi de Cdd bien trop successifs.
En effet, peu importe la qualification initialement retenue (de Cdd ou même de vacations comme l’avait déjà acté la jurisprudence CÉ, 15 décembre 2010, Université de la Méditerranée-Aix-Marseille II (328372) au visa de l’art. L. 952-1 du même Code), le principe qui s’impose à tous – en droits privé et public du travail – est la lutte contre l’abus de renouvellement de contrats successifs à durée déterminée mettant le travailleur en situation précaire pérennisée et ainsi à la merci de son employeur. C’est ce qu’a posé, en 1999, une directive européenne du 28 juin 1999 (1999/70/CE) seulement transposée en France par la Loi précitée du 26 juillet 2005. Nul besoin de demander sur ce point l’interprétation, par question préjudicielle à la Cjue, des normes et intentions européennes et désormais nationales : le principe est la protection des travailleurs (cf. CJUE, 11 février 2021, M.V. c. Organismos Topikis Aftodioikisis « Dimos Agiou Nikolaou », aff. C-760/18). L’autonomie et la présidentialisation des Universités, y compris des établissements dits expérimentaux désormais, ne leur permet effectivement pas, quand bien même ils croiraient s’échapper de la tutelle étatique, de s’extraire du Droit et de l’État de Droit. C’est un principe qu’il est bon de rappeler avec fermeté : le Droit, aussi, s’applique aux gouvernances académiques et lorsqu’il protège les agents et travailleurs, il doit primer. En l’espèce, (…)
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