Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative.

Voici un extrait du prochain numéro :

CÉ, 27 novembre 2025, Mme A. (req. 469793)

Précisions sur la responsabilité médicale en cas de transfusion sanguine non consentie mais ayant sauvé la vie

La jurisprudence est désormais relativement fixe ou stable sur la valeur des directives anticipées (art. L. 1111-11 du Code de la santé publique) éclairées tant par la jurisprudence du Conseil d’État (CÉ, Ass., 26 octobre 2001, req. 198546,) que celle du Conseil constitutionnel (décision n° 2022-1022 QPC du 10 novembre 2022, Zohra M.). Elles proposent une « direction », font état de la volonté a priori du patient à consentir aux soins de façon éclairée (art. L. 1111-4 CSP) et ainsi à participer comme acteur de sa propre guérison voire de son maintien en vie. Toutefois, rappelle encore ici le Palais royal, ces mêmes directives si elles s’avèrent « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient » s’effacent devant l’avis médical des sachants ; avis qui prime au nom respectable du droit à la vie lorsqu’il s’agit de sauver cette dernière. Par ailleurs, précise ici le Conseil d’État, un tel acte médical ayant maintenu une vie (sans créer de circonstances matérielles dommageables pour le patient) ne peut être considéré (à l’instar du préjudicie dit de naissance issu de la défunte jurisprudence dite Perruche (Cass., Ass. Plén., 17 novembre 2000, 99-13.701) comme un préjudice indemnisable au titre des « troubles dans les conditions d’existence ». Il ne peut s’agir que d’un « préjudice moral » au regard du non-respect volontaire et hors conditions légales des directives anticipées.

Dans cette douloureuse affaire, la requérante avait été admise au CHU de Bordeaux pour y subir une ablation de la vésicule biliaire. Toutefois, « préalablement à son admission, elle {avait] fait part de ses convictions religieuses, en tant que témoin de Jéhovah, pour informer l’établissement de son opposition à toute transfusion sanguine et lui a communiqué des directives écrites, sous la forme d’un document intitulé  » instructions médicales circonstanciées « , détaillant les procédures médicales acceptables ou inacceptables à ses yeux ». Ce document a bien été intégré à son dossier médical et elle en a souligné l’importance à ses soignants, y compris à son chirurgien. La solution trouvée a donc consisté à pratiquer avec l’accord de l’intéressée une « auto-transfusion » de son propre sang prélevé en amont toutefois ce dernier a manqué et à la suite d’une perforation accidentelle d’une artère, les médecins, parce qu’ils considéraient un risque mortel, ont dû procéder à une transfusion sanguine « classique » de sang de donneur et ce, pendant l’opération et la réanimation. Malgré, à son réveil, la réitération de l’opposition de la patiente, les médecins ont procédé, à une troisième transfusion sanguine considérant quelques jours après l’opération qu’un nouveau risque « imminent pour sa survie » était en jeu. Ils ont alors « administré une sédation » à la malade afin de « procéder, à son insu, à une troisième transfusion sanguine, dont elle n’a pris connaissance qu’en obtenant ultérieurement communication de son dossier médical ». En vie, certes, mais bouleversée par ce triple non-respect de ses volontés, la patiente en a demandé réparation et les juges du fond ne le lui ont accordé qu’eu égard à la dernière transfusion. En en changeant cependant la nature des préjudices, c’est aussi ce que va répondre le juge de cassation. En effet, (…)

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