Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :
CE, 26 septembre 2025, Communauté de communes Cœur-du-Var (488244)
Quand le délai protège encore un peu les agents publics « danthonysés »
Originellement, mais s’en souvient-on encore, la plupart des délais institués avant une prise de décision administrative l’ont été pour permettre aux agents et/ou aux administrés concernés par l’acte en cours de production d’organiser la préparation et la production contradictoire de la défense de leurs intérêts. Pourtant, afin vraisemblablement de diminuer le nombre de contentieux et avec pour effet malsain de donner l’impression qu’il défend davantage les intérêts administratifs que ceux des particuliers, le Palais royal a unilatéralement décidé dans ce qui s’avère être l’un de ses plus grands arrêts innomés de règlement que les vices de formes et de procédures ne pourraient désormais être invocables, au soutien d’une illégalité externe d’un acte administratif, que s’ils matérialisaient « une influence sur le sens de la décision prise » ou qu’ils avaient « privé les intéressés d’une garantie » (CE, Ass., 23 déc. 2011, Danthony ; req. 335033). Depuis, en pratique, ce sont de très (et trop) nombreux délais notamment qui ont été considérés comme « danthonysés » et qui, malgré leur irrespect, n’ont entraîné aucune conséquence contentieuse invitant l’administration à les considérer avec légèreté. Toutefois, comme dans cette espèce, il arrive heureusement encore que le juge administratif se souvienne qu’il n’est pas le juge « de » l’administration mais celui de la légalité de l’action administrative. Ainsi, est considéré comme concrétisant une telle « garantie » le délai de dix jours (art. 16 de l’arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière). Il s’agit pour les agents publics d’une « garantie » leur permettant, au nom du respect du contradictoire, de « préparer utilement » leur défense et la représentation de leurs intérêts devant lesdites commissions de réforme.
C’est effectivement le sens du présent arrêt qui vient heureusement compléter la précédente décision CE, 24 juillet 2019 (416818 aux Tables) qui avait également considéré comme consacrant une « garantie » le délai (de quinze jours) entre la réunion d’un conseil de discipline et la convocation à ce dernier d’un agent public. Voilà donc que le juge réaffirme (et l’on ne peut qu’y applaudir) le fait que les travailleurs de droit public ont aussi des droits, au premier rang desquels est consacré celui du contradictoire pour éviter que des décisions unilatérales soient prises trop vite les concernant. L’arrêt vient ainsi rappeler aux employeurs publics que leurs agents ne sont pas des dossiers ou des numéros que l’on peut traiter sans considération : si leurs activités sont interchangeables pour de nombreuses fonctions, ils n’en demeurent pas moins des êtres humains avec des droits à la défense et au respect du contradictoire y compris face à la puissance publique employeuse. Dans cette affaire, (…)
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