Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CÉ, 18 juillet 2025, Mme B. (476311)

Imputabilité au service manifestement présumée d’un accident de travail matérialisé sur les lieux et le temps de travail

S’il arrive à chacun d’être de mauvaise foi (et nous n’y échappons donc pas), il faut admettre que – souvent pour des raisons purement financières ou politiques (pour le dire diplomatiquement) – l’employeur public – aussi – sait en faire état. Malheureusement quand ce sont des administrés ou des agents qui en font les frais, le manque d’humanité des dirigeants publics doit être dénoncé ce qui parfois conduit inexorablement à un ou à plusieurs contentieux. Tout aussi dramatiquement, l’Education nationale (mais elle n’est pas la seule administration en ce sens), comme le juge fréquemment indirectement, engage ses agents publics victimes sur leurs lieux de travail à privilégier deux modes de prises en charges moins coûteuses pour elle : le placement (parfois même unilatéral) en congé de maladie ordinaire (CMO) pour n’avoir à indemniser l’agent que trois mois et ce, à 90% de son traitement, outre le jour de carence, plutôt qu’en congé pour invalidité temporaire imputable au service (Citis) indemnisé sans délai à hauteur du traitement mais encore l’incitation de l’agent victime à reconnaître plutôt une maladie professionnelle qu’un accident de service (ici encore pour des raisons malheureusement économiques). Heureusement, le juge administratif ne se laisse pas toujours convaincre par une telle argumentation managériale et déshumanisante et comme en l’espèce sait protéger les droits des travailleurs victimes. Ici, c’est l’imputabilité de l’accident au service qui était discutée, et le juge va énoncer avec force et solennité, qu’il est très difficile (même si cela n’est pas impossible) de renverser la présomption d’imputabilité lorsque les faits allégués et les dommages conséquents ont pour origine un événement produit sur les lieux (et même les trajets) et les temps du travail.

Dans cette affaire, la requérante s’était vue refuser la qualification d’imputabilité au service de l’accident subi par elle et ce, alors qu’elle en avait pourtant été victime « dans son bureau » mais, rétorquait l’employeur, alors qu’il s’agissait « d’un infarctus du myocarde » sous-entendant que l’agent aurait auparavant largement été atteinte (sans que personne ni la médecine préventive du travail ne l’ait détecté) de cette pathologie sans lien avec son emploi. Les juges du fond ne se mettant pas d’accord sur l’imputabilité à retenir, le juge de cassation va ici opérer une très intéressante clarification. Pour ce faire, le juge rappelle que tout fonctionnaire en activité a doit « à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions » ; c’est l’hypothèse du CMO auquel s’ajoute l’hypothèse selon laquelle « si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident ». C’est l’hypothèse du Citis. Et d’ajouter, au visa de l’art. L. 822-18 CGFP qu’est « présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ». Autrement dit, sauf faute personnelle (singulièrement délicate à démontrer et à reconnaître désormais au regard de la jurisprudence qui trouve presque toujours un lien avec le service) ou « circonstance particulière », il y a bien une forte présomption d’imputabilité au service lorsque l’accident a lieu – comme en l’espèce – dans l’exercice (et sur le lieu) des fonctions de l’agent et ce, « quelle [que] soit la cause » dudit accident.

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