Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 05 octobre 2018, Sté Edilys (410590)

La place Vendôme entre histoire et commerces

La Sté Edilys, qui « exploite », retient presque pudiquement le juge, « un commerce d’horlogerie » place Vendôme, à Paris, c’est-à-dire au cœur même de l’expression du luxe français, a souhaité réaliser des travaux d’abaissement des allèges de l’immeuble classé aux monuments historiques qu’elle occupe et dénommé l’Hôtel de Villemaré. Toutefois, au regard du code du patrimoine (et notamment de son art. L 621-1), le préfet a refusé les travaux projetés au motif qu’ils ne seraient pas compatibles avec le statut précité de monument historique. La société a alors attaqué ce refus qui a été pourtant confirmé par plusieurs juges parisiens du fond (TA puis CAA) ce contre quoi la requérante a formé le présent pourvoi en cassation. Pour statuer sur ce dossier, le CE a d’abord rappelé qu’aux termes de l’art. R 621-1 du code précité, la préfecture se devait de préciser aux administrés projetant de tels travaux, « les conditions scientifiques et techniques selon lesquelles les interventions sur ces monuments historiques sont étudiées, conduites et font l’objet de la documentation appropriée ». Par ailleurs, le code indique également que l’administration doit mettre à disposition des intéressés « l’état des connaissances dont [elle] dispose sur l’immeuble en cause » et indiquer en conséquence « les contraintes réglementaires, architecturales et techniques que le projet devra respecter ». Or, explique le Conseil d’Etat,

(…)

Concrètement même, précise le Conseil d’Etat, la CAA avait donc pu matérialiser souverainement son appréciation « en estimant que cet ordonnancement » architectural « pouvait s’apprécier au regard des gravures réalisées par Jean-François Blondel en 1752 qui donnaient, en l’état des connaissances, la description la plus précise, complète et certaine de la place Vendôme à la date de son achèvement malgré les transformations intervenues au début du XVIIIe siècle ». Enfin, et ce sera le dernier coup de grâce rappelé aux activités a priori non philanthropiques qui s’y exercent, le juge de cassation a fait état de ce que la préfecture avait eu raison de considérer que « le projet de dépose des allèges portait atteinte à la présentation de l’immeuble et à l’ordonnancement de la place et n’était, par conséquent, pas compatible avec le statut de monument historique reconnu à cet immeuble, quand bien même ce projet visait à favoriser le développement des activités commerciales dont la présence constitue l’une des caractéristiques de cette place ». L’intérêt général, nous dit-on ici, n’est donc pas toujours celui des finances et de l’économie : on s’en réjouira (à la différence, sûrement, de la société requérante).

Tags:

Comments are closed