Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 13 janvier 2017, Mme J. (399323)

Elections – hors suffrage universel direct – de conseillers communautaires

Il n’existe pas : ce suffrage dit « universel » car – on le sait – même s’il affirme de façon performative une universalité, il n’est que représentatif d’une certaine partie de la population (en l’état les adultes reconnus capables et Français). Cela dit, entre un suffrage censitaire et un « dit » universel, il va sans dire que le second – selon les critères démocratiques – représente davantage et mieux que le premier. C’est sûrement pour cette raison qu’en 2013 le législateur, devant l’augmentation toujours croissante des compétences des institutions intercommunales (de type EPCI), a décidé de l’élection – étonnante et rare pour des établissements toujours considérés comme publics et non reconnus comme collectivités territoriales – au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Toutefois, le législateur a permis la possibilité du maintien – sous certaines conditions – d’élections des conseillers au suffrage universel indirect (par les conseillers communaux). Ce même législateur avait même permis – ce qu’a en partie censuré le Conseil constitutionnel par sa décision 2014-405 du 20 juin 2014 – la possibilité d’accords locaux de répartition ce qu’a cependant réaffirmé – sous conditions – la Loi du 09 mars 2015. En l’état du Droit, si le principe est donc l’élection des conseillers au suffrage universel direct, le CGCT permet néanmoins des exceptions comme lors de fusions entre plusieurs EPCI ainsi que cela s’est récemment produit – en Ariège – avec la nouvelle Communauté de Communes « Couserans-Pyrénées » ou encore comme en l’espèce. (…)

 

TC, 09 janvier 2017, Mme L. et autres c/ département de la Réunion (4073)

Il n’en a pas fini (au contentieux) : le « midi-minuit » ! (à propos de la théorie de la continuité des contrats de travail)

Parmi les articles les plus célèbres du Droit, existe, en droit du travail, celui que d’aucuns nomment le « midi-minuit » (car il est l’art. L 1224 du code du travail ; anciennement connu sous l’appellation d’art. L 122-12) et ce « 1224 » n’a manifestement pas fini – au Tribunal des conflits en particulier (cf. notamment TC, 19 janvier 2004, Devun (3393)) – de faire parler de lui ! Il est relatif à la théorie dite de la continuité des contrats de travail et précise qu’en cas de reprise par une nouvelle entité économique d’une activité donnée, ce maintien d’activité entraînera un transfert et donc un maintien des emplois en place. Appliqué au secteur public, l’art. est notamment décliné au L 1224-3 du code du travail qui précise qu’en cas de transfert d’entité du privé vers un service public administratif géré par une personne publique, le nouvel employeur devra proposer, au nom de la continuité contractuelle, aux agents un contrat de droit public (CDD ou même CDI) et ce n’est qu’ensuite, si un refus du maintien desdits contrats est exprimé, que l’employeur pourra licencier les ex employés de droit privé s’il l’assume. C’est dans cette dernière hypothèse que s’est retrouvé le département de la Réunion poursuivant l’activité économique d’une association placée en liquidation judiciaire. (…)

 

CE, ord., 13 janvier 2017, Mme J. (399323)

Fermeture confirmée mais réouverture suggérée de la mosquée Al-Rawda

L’ordonnance ici commentée est des plus intéressantes car même si elle confirme la position administrative du 21 décembre 2016 de maintenir fermée, au nom de l’état d’urgence, la mosquée A-Rawda de Stains, elle laisse entrevoir qu’une abrogation de l’arrêté litigieux est très probable dans les jours à venir.

(…)  Car, nous dit le juge comme à regrets, « Si ces mesures importantes sont de la nature de celles qui permettraient de faire cesser le risque de retour des troubles à l’ordre public constatés, elles n’ont été prises que très récemment et, pour certaines d’entre elles, notamment la constitution d’une équipe de vigilance, ne sont pas complètement concrétisées ». En bref, le CE nous dit qu’il est prêt à ordonner – bientôt – une future abrogation de l’arrêté préfectoral litigieux mais qu’il faut encore (hélas pour l’association dont la « bonne foi » (sic) est ici manifeste) attendre encore un peu. On comprend alors – juridiquement – la décision du juge – au nom de l’ordre public et de sa matérialité – mais on déplorera – pour les requérants et les fidèles – qu’il faille encore attendre un nouveau contentieux (d’ici quelques jours seulement) pour constater la réouverture du lieu de culte. Avec un peu de chance et de réalisme, le préfet – de lui-même – abrogera son arrêté ce qui évitera un nouveau procès.

CE, 13 janvier 2017, M. B. (389711)

Incarcération contraire au principe de dignité de la personne humaine

Dans la continuité de sa jurisprudence de 2013 (CE, Sect., 06 déc. 2013 ; 363920), le CE a précisé la façon dont apprécier les conditions de détention au regard du principe de dignité de la personne humaine. En l’espèce, un ancien détenu (de juillet 2011 à septembre 2012 à la maison d’arrêt de Rouen) ayant séjourné successivement dans 18 cellules de l’établissement demandait à l’Etat réparation du préjudice qu’il avait subi du fait de mauvaises conditions de détention. Aux fondements de l’art. 03 de la CESDHF mais aussi des art. D 189 et D 349 et s. du code de procédure pénale, le CE va d’abord énoncer un principe : « en raison de la situation d’entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu’impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires ainsi que la prévention de la récidive ». (…)

 

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