Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 24 mai 2017, Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce & alii. (398801)

Validation quasi globale des tarifs réglementés des professions juridiques & judiciaires de la « Loi Macron »

Avant de devenir Président de la République française, Emmanuel Macron a également été ministre de l’Economie et, au sein du gouvernement de Manuel Valls, il a réglementé un certain nombre de professions – dont celles dites juridiques & judiciaires – afin de « libérer la croissance » en instaurant notamment des « corridors tarifaires » (que d’aucuns surnommaient les « corridors de la mort »). Pour ce faire, plusieurs normes ont été prises : la Loi 06 août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (qui instaura un nouveau Titre IV bis au sein du Livre IV du Code de commerce : « De certains tarifs réglementés ») ainsi que plusieurs actes réglementaires d’application (un décret n°2016-230 du 26 février 2016 et plusieurs arrêtés du même jour) qui ont été portés en excès de pouvoir, essentiellement par des représentants desdites professions, devant le CE qui – à l’exception d’un élément – a validé la quasi-totalité du dispositif nouveau dont l’objectif louable est l’accès du plus grand nombre de citoyens au Droit. (…)

 

CE, 19 mai 2017, Département de Mayotte (406637)

Effectivité d’une norme suffisamment précise et non exécutée passée un délai raisonnable  

Dans la présente affaire, le président du conseil départemental de Mayotte avait refusé de verser à une citoyenne, « au titre de la prise en charge de son frère, confié par l’autorité judiciaire en application de l’art. 375-3 du code civil, l’allocation due au tiers digne de confiance ainsi désigné, prévue par l’art. L. 228-3 du code de l’action sociale et des familles ». Elle avait alors saisi le juge des référés du TA de Mayotte qui avait suspendu (au fondement de l’art. L 521-1 CJA) la décision (fut-elle de rejet) et enjoint sous astreinte à la collectivité d’assumer (fut-ce temporairement) l’allocation litigieuse. Pour confirmer la position du juge des référés mahorais, le CE a d’abord confirmé que la situation d’urgence propre au référé suspension était établie (la requérante et son frère ne disposant pas de revenus stables) puis il a rappelé les justifications départementales originelles du refus. Selon le président du conseil départemental de Mayotte, en effet, puisque son conseil « n’avait pas encore fixé le montant ni les modalités de versement d’une telle indemnité », il n’était pas en mesure de les exécuter.

(…)

On retrouve ici un système bien connu des droits international et européen (par exemple lors de la non transposition de directives inconditionnelles et suffisamment précises). Non seulement le CE confirme donc la position juridictionnelle mahoraise mais il ajoute également que cette analyse impliquait en conséquence nécessaire le prononcé – à titre provisoire – et en attendant les arrêtés manquant de fixation des prix et allocations de l’injonction sous astreinte. Il y a du reste une certaine gêne à lire qu’un président de collectivité a osé soutenir qu’il ne pouvait pas assumer une allocation parce que le propre conseil qu’il dirige n’avait pas pris les actes pertinents : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ?

CE, 19 mai 2017, A. (397577)

Obligation de chercher à reclasser un salarié inapte physiquement à son premier emploi

Un agent administratif de Chambre de métier et de l’artisanat (CMA) a été déclaré inapte physiquement à exercer son emploi puis en a été licencié sans indemnités ce qu’il a contesté en demandant d’une part l’annulation dudit licenciement (qui serait irrégulier) et l’octroi de dommages et intérêts pour réparation des préjudices subis. Le TA de Marseille a intégralement rejeté sa demande mais, en appel, la CAA provençale ne lui a que partiellement donné raison d’où le pourvoi devant le CE de l’agent évincé. Il est important de relever ici (car il dit tout) le considérant 02 du juge de cassation : « il résulte d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l’employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l’intéressé ».

(…)

 

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