Cher(e)s étudiant(e)s, voici un extrait (que certain auront déjà entendu lors de mes leçons de rentrée) et que je tenais à vous faire (re) partager

Il contient un discours d’un certain E-V. Foucart (1799-1860) et est extrait de « La Faculté de droit de Poitiers du XIXème siècle : entre ordres et préjugés » notes d’une conférence réalisée lors de la rentrée des écoles doctorales de l’Université de Poitiers et publiées in Cahiers poitevins d’histoire du droit ; Paris, (LGDJ) ; 2007, p. 155 et s. (…)

Honoré de Balzac, qui avait fréquenté les mêmes bancs parisiens de l’Ecole de droit dite du Panthéon à la même époque que le doyen Foucart , avait écrit à propos de l’enseignement des Facultés de droit : « Je ne me suis point sali les pieds dans ce bouge à commentaires, dans ce grenier à bavardages, appelé Ecole de droit » [1]. Ce même argument dépréciatif (et présentant les études juridiques comme des études arides et pénibles) fut d’ailleurs subtilement et précisément employé par le doyen Foucart lui-même dans un discours de 1839 [2] sur «  l’esprit qui doit guider les étudiants en droit  ».

Dans ce discours, l’auteur présenta ainsi le droit par rapport aux autres disciplines :

« L’étude du droit, messieurs, paraît à bien des gens une étude sèche et ingrate, un travail pénible qui consiste à se charger la mémoire d’une foule de dispositions de Loi minutieuses et presque toutes difficiles à comprendre : on s’y décide moins par goût que par nécessité et pour se rendre propre aux fonctions du barreau ou de la magistrature. Sans doute, le droit ne présente pas cet enchaînement facile et rigoureux des mathématiques, qui plaît tant à l’esprit ; il n’a pas cet intérêt de curiosités des sciences naturelles qui pénètre dans les secrets de l’Univers ; ni le charme des études purement littéraires qui enlève l’homme à la vie réelle pour le promener dans les vastes champs de l’imagination …

Mais ne demandons pas au droit ce qu’il n’est pas dans sa nature de donner : sachons trouver l’intérêt véritable qu’il renferme, intérêt méconnu seulement des esprits à vues étroites et exclusives ».

Car, pour cet auteur, résumer l’étude du droit à celle de pages apprises par cœur était fort mal appropriée. Il fallait que chacun comprenne (enfin ?) que le centre et l’objet des sciences juridiques n’était pas la ou les règle(s) en soi mais l’homme : «  L’objet du droit c’est l’homme  » enseignait en effet Foucart :

« La connaissance de l’homme et de sa destinée vous révèlera les fondements du droit ». Dès 1832 d’ailleurs, lors de l’une de ses toutes premières leçons de droit administratif, il avait ainsi entamé son cours [3] :

« L’objet principal du droit est l’homme ; il impose donc, avant tout, d’avoir des idées justes sur sa nature et sa destinée : car les Lois qui doivent le régir ne sont que les conséquences de l’une et de l’autre ».

N’y a-t-il pas, aujourd’hui encore, de plus belle définition ? Car si l’on étudie le droit sous ce mode anthropologique il devient (pensons-nous) bien plus intéressant : ce n’est plus la règle isolée et technique qui s’impose seule mais son objet, ses origines et ses évolutions. Le droit est alors au cœur de la société entre histoire, philosophie, anthropologie et sociologie.

Notes

1] Balzac Honoré (de), La Comédie Humaine ; Paris, Gallimard ; 1976 : collection de la Pléiade : Tome III, « Etudes de mœurs : scènes de la vie privée » in Le contrat de mariage ; p. 536.

2] Foucart Emile-Victor-Masséna, « Discours du susdit sur l’esprit qui doit guider les jeunes gens dans l’étude du droit » in Séance solennelle de rentrée de la Faculté de droit de Poitiers (1839) ; Poitiers, Saurin ; 1839, p. 2.

3] Phrase que l’on retrouve telle quelle dans les premières lignes de la première édition de son traité : Foucart Emile-Victor-Masséna, Eléments de droit public et administratif ; Paris, Videcocq ; 1834 ; Tome I, p. 4

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