compte(s) rendu(s) (2e livraison) :
note de lecture : « Le Serment »
de Thomas Lilti

Lilti Thomas, Le Serment ; Paris, Grasset ; 2021.

par M. Mathieu Touzeil-Divina
Professeur de droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Codirecteur du Master Droit de la Santé, Président du Collectif L’Unité du Droit

Tous ceux qui s’intéressent au(x) droit(s) de la santé et au cinéma connaissent déjà Thomas Lilti. Scénariste et réalisateur français, on lui doit, notamment quatre longs métrages :

  • 2004 : Les Yeux bandés seul film à ne pas concerner directement l’univers hospitalier ;
  • 2014 : Hippocrate avec, entre autres, Vincent Lacoste & Reda Kateb, qui raconte comment un jeune interne va être confronté, dans un hôpital public, à ses premières craintes et à ses premières joies d’hospitalier ;
  • 2016 : Médecin de campagne avec notamment François Cluzet & Marianne Denicourt et qui, là encore, n’est pas étranger au(x) droit(s) de la santé puisqu’il a pour cadre la médecine générale en milieu rural ;
  • 2018 : Première Année (avec encore Vincent Lacoste mais aussi William Lebghil) et qui entend mettre à l’écran les affres de l’ancienne « première année commune aux études de santé » (Paces) avant qu’elle ne devienne, depuis 2020, le « parcours accès santé spécifique » (Pass) et la licence option accès santé (Las).

Outre ces trois derniers longs-métrages « médicalement » centrés, s’ajoute une série télévisée, forte déjà de deux saisons (diffusées sur Canal + en 2018 et 2021) et répondant au même titre, puisqu’issu de la même idée originale, que le deuxième film précité : Hippocrate. S’il l’ignorait encore, le lecteur aura rapidement compris que Thomas Lilti n’est pas « que » réalisateur et scénariste, il est aussi (sinon avant tout ? mais telle est bien notamment la question de son dernier ouvrage) médecin et docteur en médecine. En effet, c’est après avoir d’abord assumé des études de médecine puis avoir été praticien en médecine générale, qu’il a franchi le cap cinématographique. Thomas Lilti ajoute ainsi une nouvelle corde à son arc : celle d’auteur, d’écrivain complément direct de sa qualité de scénariste. Nul besoin, donc, d’ouvrir une autre case, la confrontation et la coexistence de celle d’artiste cinématographe et de médecin suffisent !

Avant, cela dit, de présenter ici l’ouvrage publié cette année (Le Serment ; Paris, Grasset ; 2021) par l’auteur, il est important pour nous de souligner le fait que la promotion Gisèle Halimi du Master Droit de la Santé de l’Université Toulouse 1 Capitole (que nous avons la chance de codiriger), prépare pour le 30 septembre 2021 une journée d’étude(s) – précisément – consacrée aux maux de l’hôpital public à travers l’écran de la série Hippocrate. On espère donc qu’après y avoir été invité et après avoir lu ces quelques lignes, il aura peut-être envie de rejoindre cette manifestation pour y participer et y témoigner.

Un témoignage, tel est précisément l’objet de l’ouvrage ici recensé. Celui-ci à nos yeux s’organise en trois temps forts, du point de vue du ou des droit(s) de la santé, : questionner ce qu’être médecin signifie (I), magnifier le service public tout en dénonçant son agonie (II) ainsi qu’essayer de protéger les personnes actrices du système de santé (III).

Médecin ou soignant :
les synonymes apparents

Qu’est-ce qu’être médecin ?

Pour le citoyen, pour le patient, le médecin est celui qui soigne au même titre et aux côtés de tous ses auxiliaires et adjuvants : des infirmiers aux brancardiers en passant par les kinésithérapeutes, ostéopathes, pharmaciens, ergothérapeutes, psychologues, aides-soignants, assistants, techniciens, ambulanciers, etc. Il pourrait même s’agir, a-t-on initié au sein de ce que nous avons nommé le « projet Rapsail » de toutes celles et de tous ceux, des plus évidents aux plus insoupçonnés, qui participent directement ou indirectement au(x) soin(s) et à la santé.

Le patient et le citoyen comprennent ou ressentent en effet comme instinctivement cette hiérarchie médicale que porte, y compris, le Code de la Santé publique en organisant – dans sa quatrième partie (art. L 40001-1 et s.) – les « professions de santé » autour et en fonction des trois professions médicales reconnues (médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme) mais surtout de « la » profession médicale reine : celle de médecin. Nul besoin de fiction pour le comprendre, le système de santé tourne autour des médecins qu’ils dominent comme s’ils étaient les seuls légitimes, les seuls efficaces, les seuls soignants.

Assurément, l’une des premières interrogations que véhicule toute l’œuvre de fiction médicale de Thomas Lilti comme cet ouvrage davantage biographique (et assumé en ce sens), est l’interrogation ou la qualification de ce qu’est ou devrait être un médecin.

Pour le commun des mortels non issu du sérail de la Santé, le médecin est avant tout celui qui soigne au même titre que d’autres mais c’est clairement le plus important à ses yeux et il ignore souvent que deux monopoles sont alors associés historiquement aux médecins : diagnostiquer, d’abord, et soigner, ensuite comme si pour le patient seul le résultat comptait et que le diagnostic était finalement induit dans le soin ou moins important que lui. Or, tout le droit de la santé est diamétralement construit de façon opposée : c’est parce que le médecin peut d’abord et avant tout diagnostiquer, qu’on lui donne – comme à d’autres – la possibilité de soigner au regard seulement et sous le contrôle du diagnostic médical premier.

Autrement dit, mais les juristes le savent, soigner n’est pas synonyme d’être médecin car, en droit français, celui qui est médecin ce n’est pas celui qui soigne (ou diagnostique) ce qui serait une méthode par induction intéressante et permettrait de qualifier de médecins toutes celles et tous ceux qui soignent. Non, le médecin, c’est celui qui est reconnu « docteur en médecine » par l’État, par la France ; peu importe – finalement – s’il soigne encore bien, s’il a actualisé ses compétences ou sa formation, s’il a rencontré ou non des échecs, s’il a pratiqué ou non. L’important, en droit, c’est que des structures publiques étatiques (l’Université délivrant un diplôme et, par suite, l’Ordre des médecins auquel le praticien sera rattaché et auprès duquel il paiera sa cotisation) authentifient la reconnaissance médicale. Toutefois, et c’est le paradoxe que dénonce Thomas Lilti non seulement dans Le Serment mais aussi dans ses fictions : on peut être un excellent soignant sans être médecin et peut-être un mauvais soignant (par exemple parce que l’on est resté campé sur d’anciennes certitudes non actualisées) tout en étant officiellement médecin. Ainsi, dans Hippocrate (le film), Lilti nous engage-t-il à considérer le cas de ces médecins étrangers (formés à la médecine ailleurs qu’en France) mais n’ayant pas conquis les diplômes nationaux. Avant de pouvoir faire valider les acquis de leurs expériences, ils sont souvent sous-exploités et considérés, au regard de l’art. R 6153-41 du Code de la Santé publique, comme « ffi » c’est-à-dire comme « faisant fonction d’interne » (et donc d’étudiant adjuvant en médecine et en formation) alors qu’ils sont souvent sur-compétents. Dans le film, le personnage joué par Reda Kateb est de ceux-là qui ponctue l’une des scènes en expliquant qu’être médecin ce n’est pas soigner mais c’est – parfois – une « malédiction » et ce, particulièrement – comme lui – quand on soigne plus encore que l’on n’est formellement reconnu médecin.

Dans l’ouvrage, ce sont les affres administratives rencontrées personnellement par Thomas Lilti qui lui font avancer sur ce questionnement de la qualification – formelle ou matérielle – de médecin. En effet, explique-t-il, au moment de la première vague et du premier confinement dus au Covid-19 (mars 2020), il a ressenti le besoin d’aider, de participer à l’effort collectif de la communauté médicale et soignante. Alors, le tournage de la seconde saison de la série Hippocrate étant à l’arrêt, il a proposé ses services en revêtant à nouveau la blouse blanche. A priori, tout aurait pu bien se passer puisque Thomas Lilti est aussi (et peut-être avant tout sinon d’abord) le docteur Thomas Lilti. Une Université a validé son cursus et ses travaux en lui reconnaissant officiellement, et pour faire valoir ce que de droit, le titre de docteur en médecine qui lui a permis, par suite, de devenir quelques années médecin généraliste et de s’inscrire comme presque tous les praticiens auprès de l’Ordre des médecins.

Toutefois, lorsque le scénariste souhaite – bénévolement qui plus est – aider « sa » communauté soignante (et celle, plus large, des citoyens) et qu’il retourne dans l’hôpital réel pour proposer ses services, il se heurte au double mur du formalisme juridique et administratif. Au lieu de recevoir avec gratitude son offre, on lui demande d’abord la preuve de son doctorat, qu’évidemment il n’a pas sous la main (p. 23 et s.) et ce qui est presque incongru puisque par définition s’il a été auparavant médecin généraliste et interne au préalable c’est bien parce qu’il a soutenu une thèse et obtenu le titre de docteur. Seconde barrière, celle de l’Ordre : un médecin (régulièrement inscrit évidemment !) lui fait ainsi remarquer que tout bénévole et aimable qu’il est, il serait dans « l’illégalité » (ce qui est le titre même du chapitre des pages 60 et s.). Illégalité puisque se jouerait un exercice – illégal – de la médecine :

« Si tu n’es plus inscrit au Conseil de l’Ordre, tu n’as pas le droit de pratiquer » lui assène-t-on ainsi.

(p. 62)

Le juriste aurait bien envie d’ajouter qu’il y a bien quelques exceptions en fonctions publiques mais – globalement – la remarque est vraie : être médecin en France se résume non à l’action de soigner mais à deux actes formels :

  • la possession d’un diplôme français (ou reconnu équivalent) de docteur en médecine par lequel l’Université française atteste de la valeur scientifique et académique d’une personne ;
  • l’inscription régulière (et sa cotisation conséquente) à l’Ordre des médecins, garante d’une indépendance toute ordonnée et régulée par le corps lui-même et ce, par délégation de la puissance publique.

Or, précisément, parce qu’il n’exerce plus depuis des années, Thomas Lilti n’est plus inscrit à l’Ordre et comptabilisé comme médecin pratiquant. L’auteur souligne alors un énième paradoxe hypocrite : les internes, eux, ne sont pas davantage inscrits à l’Ordre (car même s’ils pratiquent, ils ne le font que comme étudiants sous la responsabilité assumée d’un médecin responsable (et inscrit à l’Ordre, lui)). Pourquoi n’aurait-il pas pu en bénéficier ? La réponse est simple : parce que – formellement – cela n’a pas été prévu. Parce que tant que nous ne sommes pas dans une urgence telle que l’on ne regardera pas qui soigne ne se souciant que du soin, alors l’État (ici incarné par l’Ordre auquel il a délégué pouvoir) désirera contrôler toute action.

On en arrive par suite à des aberrations telles que celle où l’auteur précise qu’il serait même prêt à payer à nouveau sa cotisation… pour pouvoir être bénévole ! Pire, la réponse qui est faite au demandeur est digne d’Ubu : puisqu’il ne peut (au moins dans un premier temps) redevenir médecin, on lui propose de travailler « bénévolement en tant que « faisant fonction d‘infirmier ». Or, précise Thomas Lilti (p. 64 et s.) :

« Ce qui est absurde et stupide, puisque je n’ai aucun savoir-faire infirmier. En plus, c’est d’un profond mépris pour les infirmiers, cela sous-entend que ce n’est pas un métier à part entière. Que l’infirmier serait une sorte de sous-médecin ». Dans les faits, le bénévolat de Thomas Lilti va conséquemment s’arrêter non par envie de soigner mais pour raison administrative.

Notons, cela dit, qu’entre temps a été adoptée la Loi n°2021-502 du 26 avril 2021 « visant à simplifier le système de santé par la confia,ce et la simplification » (sic) norme qui, précisément, tend (en son chapitre III notamment) à faciliter le recrutement des praticiens hospitaliers (notamment bénévoles) pour contrer les difficultés évoquées ci-avant.

Par ailleurs, confirme l’auteur lui-même (p. 15), pour lutter contre l’hyper centralisation et la hiérarchie au profit des seuls médecins, un effort (dans la dernière saison de la série Hippocrate) a manifestement été fait pour « raconter les autres corps de métier de l’hôpital » afin qu’on ne réduise pas ce dernier à la seule sphère du médecin. Et, lorsque M. Lilti parle desdits médecins, il les évoque dans toute leur étendue statutaire et dans toutes leurs diversités : des « Ffi » précités aux internes en insistant même sur les externes (p. 40 et s.) moins connus et dont l’auteur dénonce le désengagement sinon l’absence dans les centres hospitaliers non universitaires. A un moment, même (p. 48), il semble au moins voir un aspect étonnamment positif à la crise du Covid-19 dans l’hôpital public :

« En cette période de crise sanitaire, du fait même des tenues qu’on est obligé de revêtir, il y a quelque chose de très fort qui se produit, c’est la disparition de, l’effacement, de la hiérarchie. D’un seul coup, tout le monde est habillé pareil (…). Il est très difficile de dire qui est brancardier, infirmier, médecin ou autre ».

Ce faisant, Thomas Lilti (singulièrement p. 45) réussit – étant lui-même docteur en médecine – à oser critiquer cette hiérarchie médicale, ce pouvoir quasi absolu et mandarinal de certains médecins et hospitalo-universitaires, la violence que cela induit, la mauvaise foi parfois, les ressentis toujours, etc. Or, seul un médecin paraît légitime à oser cette critique de l’intérieur précisément car il s’agit d’une critique à décharge mais aussi à charge, d’une critique de l’intérieur mais qui tend à l’objectivité par ce double regard que Thomas Lilti porte : comme médecin et comme réalisateur citoyen engagé ; comme dénonçant des dysfonctionnements mais aussi comme affirmant son véritable amour pour le service public en danger(s).

Une déclaration d’amour
au service public hospitalier

Lorsque la saison II d’Hippocrate commence, comme dans Le Serment, le lecteur/spectateur est mis face à un constat : c’est l’« hôpital public qui se fissure de partout, qui casse, qui coule, en fait » (p. 15) et effectivement, physiquement, dès le début de la fiction aussi, l’établissement de santé prend l’eau et l’image est celle de l’ensemble du système de santé qui serait inondé, à bout de souffle(s), dépassé.

Pourtant, cet hôpital public qui a tant besoin d’aide(s), Thomas Lilti l’aime et lui déclare sa flamme protectrice, il tire pour lui, avec d’autres, le signal d’alarme(s) pourtant déjà tant de fois tiré.

Parmi les nombreux signaux dont témoignent l’auteur, relevons les demandes de plus de moyens financiers, de bâtiments rénovés, de liberté retrouvée, de confiance réaffirmée, d’agents engagés, de titulaires plus encore que de vacataires (p. 35 et s.) mais aussi peut-être moins d’informatique (p. 33) et de tarification de toute activité comme si le passage d’un patient en hôpital ne se concevait et ne résumait qu’à l’aune de ce qu’il a coûté à la collectivité.

Toutefois, ne nous y trompons pas : en dénonçant les failles grandissantes (pour ne pas dire les crevasses) du système de santé et – singulièrement – de l’hôpital français, Thomas Lilti déclare à nouveau sa flamme envers le service public. Il ne dénonce pas pour accabler des gouvernants ou une direction donnée (en tout cas dans le livre) : il affirme avant tout son amour pour l’hôpital public et conséquemment son envie viscérale de le sauver s’il en est encore temps. Partant, il met en avant trois caractéristiques contemporaines propres aux hospitaliers (et, pourrait-on dire à la très grande majorité des agents des services publics) :

  • l’amour des agents pour l’autre et pour l’intérêt général ;
  • le sentiment de ne pas être considéré à hauteur de son investissement et de sa mission ;
  • et, surtout, le sentiment de ne pas avoir les moyens d’accomplir ladite mission :

« ce qui engendre la souffrance, c’est profondément de ne pas pouvoir faire son travail dans de bonnes conditions » (p. 14) nous dit ainsi Thomas Lilti en le réécrivant même presque de façon similaire plus loin (p. 37) comme s’il fallait le marteler.

Soigner les patients
et/ou les soignants ?

« Quoi que je voie ou entende,
je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué
 » …

… affirme « le » serment, celui d’Hippocrate, qui manifestement travaille beaucoup Thomas Lilti qui lui a consacré le titre de cet ouvrage ainsi qu’un film et deux saisons de série télévisée. Ce passage en particulier du « serment » est manifestement au cœur de la réflexion du docteur qui interroge sans cesse, dans l’ouvrage, comme dans ses fictions, l’ambiguïté sinon le paradoxe de ce secret médical.

Est-il véritablement là pour protéger le patient comme la lecture première dudit serment nous y engage ? C’est ce que l’on enseigne et surement ce que l’on croit.

Avec un véritable et manifestement sincère respect, envers la (et « sa ») communauté médicale, Thomas Lilti nous engage à une autre lecture : celle selon laquelle, parfois (et il ne s’agit évidemment pas quant à nous d’affirmer « toujours »), il arrive que le « système » de santé protège d’abord les siens avant de ne consacrer que l’intérêt des patients. Ici, c’est une faute médicale tue ou oubliée ; là, c’est une erreur d’appréciation ou un faux-pas dû aux gardes trop nombreuses et aux manques de moyens et de personnels, que l’on préfèrera minorer parce qu’il est déjà exceptionnel que ledit système tourne aussi bien avec aussi peu de moyens et autant de contraintes.

« J’ai toujours pensé que le secret professionnel protégeait toujours les médecins, pas tellement les patients. Je trouve qu’il est bien pratique, ce secret. Parce que quand quelque chose ne s’est pas bien passé, on peut toujours se cacher derrière » va-t-il même jusqu’à affirmer (p. 58 et s.).

Avec beaucoup de tendresse, d’éclairages humains (sinon de circonstances atténuantes), Thomas Lilti explique ainsi, dans son œuvre tant fictionnelle que de témoignage, la si grande difficulté de l’action médicale et sanitaire dans des conditions si désastreuses que même une faute qui objectivement semblerait impardonnable à tout patient devient sinon excusable a minima compréhensible par tout citoyen. Dénonçant la dureté et le formalisme si excessif et parfois déshumanisant de la hiérarchie médicale et singulièrement hospitalo-universitaire, M. Lilti nous engage précisément à réhumaniser le système français de santé en acceptant et en comprenant ses faiblesses mais encore en nous permettant de comprendre pourquoi, parfois, le goût du secret est si cultivé par ledit système.

Le lendemain de la journée d’études préc. sur les maux des hôpitaux publics à travers l’écran fictionnel de la série Hippocrate, se tiendra, à l’Université Toulouse 1 Capitole, un autre colloque sur les inspirations et réformes parallèles des deux services publics frères : l’hôpital et l’Université. Or, il nous a été impossible en préparant ce compte-rendu de ne pas y songer. En effet, tous les maux que dénoncent Thomas Lilti comme atteignant le service public hospitalier peuvent très bien être applicables sinon transposables aux Universités : du manque de moyens à celui des personnels, du manque de considération(s) à la demande sans cesse croissante de process, de procédures et de tâches administratives. En particulier (p 35 et s.), lorsque l’auteur explique en quoi le recours massif aux vacataires (plus qu’aux titulaires) noie le service public ou le fait couler, il explique exactement ce que toutes les fonctions publiques traversent : une massive contractualisation qui serait censée être bénéfique aux finances publiques (à très court terme) mais qui, à moyens termes seulement, sabre la continuité du service public et conséquemment atteint l’âme même de ce dernier.

Plus de titulaires, moins de vacataires.

L’équation est simple mais n’est pourtant toujours pas entendue.

Entre fictions & réalités
du service public hospitalier

Voilà bien la matrice de toute l’œuvre de Thomas Lilti : du Serment ici évoqué en passant par ses scenarii ou ses films réalisés : il ne cesse de faire et d’entretenir le lien entre fictions & réalités, vraisemblance et vérité au point que parfois on pourrait même s’y perdre entre le témoignage et l’histoire ou plutôt les histoires racontées. D’ailleurs, au premier chapitre (Décor) de l’ouvrage, l’auteur s’en explique en racontant comment alors qu’il travaillait – comme réalisateur – dans une aile désaffectée d’un hôpital public de région parisienne, près du parc du Sausset, le centre hospitalier Robert intercommunal Robert Ballanger (à Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis), la vie et la suractivité des ailes en service du lieu sont venues entremêler fiction et réalité non seulement lorsque certains accessoires de la fiction ont été confiés, quelques portes et pas plus loin, aux personnels sous tensions alors que la fiction s’éteignait mais encore lorsque l’auteur s’est rendu compte qu’il n’avait d’autre choix, à ses yeux, que de franchir la porte de l’hôpital trop actif :

« c’est mon hôpital de fiction et certainement le seul inactif en France, au moment où j’arrive, en pleine crise sanitaire ». Plus loin, il ajoute : « un hôpital de fiction dans l’hôpital réel, avec du personnel de l’hôpital réel qui vient jouer dans l’hôpital de fiction » (p. 17) et, la boucle étant « bouclée », Lilti, depuis la fiction, cherchant à regagner le réel.

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