Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative. Voici trois extraits du prochain numéro :

CE, 06 mai 2019, M. B. (408531)

Légalité confirmée d’une décision peu formaliste du CNU

Le Landerneau académique de la section 32 (Chimie organique, minérale & industrielle) du Conseil National des Universités (Cnu) et l’Université de la Réunion ont frémi ces derniers jours. Etait en effet contestée, devant le CE en excès de pouvoir, une délibération – suivie par le ministère – de ladite section 32 ayant émis un avis défavorable quant à la nomination d’un maître de conférences dans un autre corps d’enseignants-chercheurs : celui des professeurs d’Université. Il existe effectivement plusieurs modalités ou voies pour intégrer ce corps et le juge rappelle à cet égard que l’art. 46 du décret du 6 juin 1984 met en place non seulement (aux alinéas 1,2 et 4 de l’art.) une procédure basée sur une qualification préalable des candidats sur une liste nationale d’habilitation émise par le CNU mais aussi (au moyen de l’art. 46-3°) une voie propre aux maîtres de conférences faisant état de dix années au moins de services et titulaires du diplôme d’HDR (habilitation à diriger les recherches). Par cette autre modalité, les concours ont d’abord lieu localement devant les Universités ouvrant des postes et, par suite seulement, le CNU est appelé à émettre un avis (suivi par le ministère) sur les candidatures classées et retenues par les établissements. Alors, précise le décret précité, « dans l’ordre de la liste de classement proposée par l’établissement, le candidat le mieux classé qui a reçu un avis favorable de la section du CNU est nommé ». En conséquence, et plusieurs candidats malheureux l’ont appris dans plusieurs des sections académiques, si une Université (et de facto un comité de sélection d’universitaires) classe premier un candidat (par exemple très apprécié localement pour son investissement administratif ou pédagogique mais moins pour ses qualités et mérites scientifiques), il n’est pas rare que le CNU « corrige » cette tentative en émettant un avis défavorable. Concrètement des candidats en positions secondes sont alors parfois « repêchés » et nommés car considérés plus qualifiés par le CNU que le lauréat ! Dans cette hypothèse, certains présidents d’Université nourrissent des ulcères face à l’institution nationale pourtant méritante et garante du service public – national et non local – de l’enseignement supérieur et de la recherche. En l’occurrence, on l’aura deviné, l’Université de la Réunion avait classé premier (…)

CE, 06 mai 2019, Ligne nationale pour la liberté des vaccinations (419242)

Il faut consentir aux soins… sauf s’ils sont obligatoires à l’instar des 11 vaccinations nouvelles

Depuis plusieurs années, le droit français de la santé est de plus en plus régi par le principe – consensualiste et d’essence privatiste – du consentement qui tend à faire du patient un « égal » du médecin et des personnels de santé. On informe les patients, on les prévient et l’on oblige les médecins à informer et à obtenir, dans la plupart des cas, le consentement aux soins. La plupart d’entre nous s’en félicite même s’il est clair à nos yeux que la relation juridique de santé en est affectée et ce, parfois, au détriment de la médecine qui (comme l’éducation) donne alors l’impression qu’on voudrait la traiter à l’instar d’une question économique de clientèle. Or, disons-le, ni la santé, ni la Justice, ni l’Education ne sont des entreprises. Dans le cadre de cette évolution systémique, cependant, la France rappelle parfois que la puissance publique peut retrouver sa puissante unilatéralité lorsqu’elle se veut protectrice du plus grand nombre ce qui est la définition même d’une politique de santé publique. C’est ce second principe fort que vient ici réaffirmer le CE dans une série de décisions attendues (V. également ci-après la req. 415694) à la suite de la décision, portée par la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, d’étendre à onze le nombre de vaccins obligatoires (sauf contre-indication médicale reconnue). En l’espèce, la « Ligue nationale pour la liberté des vaccinations » (LNLV) contestait la légalité du décret du 25 janvier 2018 mettant en œuvre la Loi précitée notamment en ce que l’imposition des 11 vaccins implique désormais la preuve de leur exécution pour que les enfants soient admis en écoles et autres établissements publics d’accueil. A ce premier égard, affirme le CE, la France est autorisée à réglementer le droit à l’instruction en l’assortissant d’obligations d’intérêt général (comme celle de la vaccination) ce qui permet d’affirmer la conformité de la norme française à l’art. 2 du 1er protocole add. à la CESDHLF.

Tous les moyens vont alors successivement être rejetés mais l’on reconnaîtra que plusieurs d’entre eux s’avéraient particulièrement bien avancés. (…)

(…) Surtout, le CE rappelle qu’en la matière c’est aux sachants (en l’occurrence aux personnels de santé) qu’il faut faire confiance in concreto car ce sont eux qui vont décider in fine des vaccinations et ce, en respectant – auprès des parents et autres tuteurs – leurs obligations d’informations et de préventions. C’est eux – en effet – qui pourront au besoin décider de lever l’obligation vaccinale et il nous semble heureux qu’il en soit ainsi.

CE, 06 mai 2019, M. B. & alii (415694)

Les 11 vaccins obligatoires peuvent, en l’état des connaissances scientifiques, utiliser des adjuvants aluminiques

Nous avons terminé la présentation de l’important arrêt 419242 en rappelant la sagesse qu’a le CE a s’effacer derrière les sachants dès qu’une question technique non juridique et administrative s’impose à lui. C’est ce principe qui fonde également le présent arrêt. Plusieurs requérants, toujours à propos de l’obligation nouvelle de onze vaccinations obligatoires des enfants issue du décret du 25 janvier 2018 en application de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, demandaient au gouvernement « que soient prises les mesures nécessaires pour imposer aux fabricants de vaccins de ne pas utiliser de sels d’aluminium comme adjuvants pour les vaccins obligatoires et pour les contraindre à mettre sur le marché en nombre suffisant des vaccins dépourvus de tels adjuvants ». Après avoir requalifiée (pour qu’elle soit recevable) la demande initiale des requérants, le CE va d’abord constater qu’effectivement à quelques exceptions, la grande majorité des 11 vaccins obligatoires contiennent des « adjuvants aluminiques destinés à favoriser la réponse immunitaire à l’antigène vaccinal ».

Or, même si les demandeurs vont s’appuyer principalement sur deux études (française et israélienne) mettant en cause le risque sanitaire et a minima la suspicion d’un tel aléa lors de l’utilisation desdits adjuvants, le CE, note quant à lui (…)…

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