Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. En voici un dont les références sont : C.E., 23 décembre 2011, Halfon & alii. (req. 323309)
Le marché Riquet – laïc et républicain – ouvrira aussi … le samedi
Le CE, par le présent arrêt, confirme – de façon manifeste cette fois – son attachement viscéral et républicain au principe constitutionnel de laïcité (il avait été beaucoup plus timoré sinon effacé dans l’un des grands arrêts de l’année précédente : CE, Ass., 19 juillet 2011, Le Mans Métropole ; req. 309161 : note au Dalloz 06.10.2011 ; p. 34). Il y s’agissait d’examiner le contentieux de la légalité d’une réglementation de police municipale en ce qu’elle fixe, notamment en son article 11, les jours et horaires d’ouverture des marchés couverts de la ville de Paris, s’agissant en l’occurrence du marché Riquet (75019). En l’espèce, plusieurs commerçants avaient obtenu, à l’hiver 2005, des conventions leur concédant des emplacements de vente au sein du dit marché. Il leur avait alors été indiqué qu’ils devraient respecter le règlement municipal imposant l’ouverture de leurs étals y compris le samedi ce qu’ils ont annoncé (en décembre 2005) ne pas pouvoir assurer pour des raisons religieuses. Le 24 mars 2006, la mairie de Paris a pris un nouveau règlement en la matière et confirmé, sur ce point, les obligations antérieures en arrêtant une ouverture du marché Riquet le samedi de 08h30 à 19h30. C’est cet acte administratif et les lettres en prescrivant l’application que les requérants ont porté devant le juge administratif et ce, en raison notamment de leur contrariété – selon eux – au principe de liberté de religion (notamment art. 09 CESDHLF et art. 10 DDHC). Alors, confirmant à titre principal les juges du fond (TA de Paris, 08 février 2007 et CAA de Paris, 16 octobre 2008), le CE va rappeler qu’un règlement ne saurait naturellement avoir pour objet ou effet d’interdire à des commerçants qui en feraient la demande, au titre de dérogations individuelles, l’exercice d’un culte et ce, tant que lesdites dérogations, exceptionnelles, demeureraient compatibles avec le bon fonctionnement et la continuité du marché. Si la demande de dérogation avait bien été matérialisée (ce que les juges du fond n’avaient pas relevé), le CE va – au fond – rejeter les demandes des requérants rappelant que leur acceptation aurait entraîné la fermeture « pour tous les samedis de l’année et pour toute la journée, de plus d’un tiers des emplacements de vente » ! Autrement dit, l’atteinte au fonctionnement normal du service est jugée bien excessive tout comme la dérogation sollicitée. La laïcité va primer.
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