Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici des extraits du prochain numéro :

TA de Strasbourg, 14 décembre 2017, Syndicat national de l’Enseignement supérieur (1703016)

La barbe dite musulmane : non ! La soutane catholique : oui ! (LOL la laïcité)

Ne cherchez plus ! Il est là : « le » jugement de fin d’année 2017 le plus abracadabrantesque en matière de laïcité. Après le TA qui refusait de voire en la crèche de la nativité un symbole religieux car n’ayant rien à voir avec la naissance du Christ (lui-même n’ayant rien à voir évidemment avec une ou plusieurs religions abrahamiques) (cf. Touzeil-Divina Mathieu, « Trois sermons contentieux pour le jour de Noël : la Laïcité et le juge administratif : à propos de l’exposition de crèches de Noël par des personnes publiques » in JCPA n°23 ; 08 juin 2015), après la CAA affirmant (cf. nos obs. dans ce même numéro) qu’une barbe in abstracto (et non un comportement in concreto) parce que taillée d’une telle manière prétendument musulmane serait en revanche – et par principe ou presque – un symbole religieux, voici le juge estimant qu’un fonctionnaire de la République laïque, administrateur et président d’une haute institution académique, ne contreviendrait pas au principe dit constitutionnel de laïcité (décidément latitudinaire) s’il est par ailleurs prêtre de l’Eglise catholique. En l’espèce, même si les faits se déroulent à l’Université de Strasbourg, il n’est pas pour autant question ici de droit local alsaco-mosellan dont on sait qu’il offre, pour des raisons historiques connues, de belles entorses au principe de neutralité religieuse. Il s’agit bien de l’application nationale du principe de laïcité ; application dont le lecteur aura compris qu’elle est hallucinante à nos yeux et que l’on espère bien que d’autres juridictions y mettront un terme. En l’occurrence, était ici contestée par le Syndicat national de l’Enseignement supérieur (SNES) l’élection par le Conseil d’Administration de l’Université strasbourgeoise d’un homme d’Eglise par ailleurs professeur des Universités. Bien sûr, il faut formellement et – en premier lieu – rappeler que la condition ecclésiastique – étonnamment mais c’est ainsi – ne s’oppose pas à l’entrée dans les fonctions publiques. On comprend évidemment, au nom du respect de la liberté religieuse ou confessionnelle, que l’accès aux fonctions publiques respecte les croyances (ou non-croyances) de chacun.e et qu’aucune discrimination ne soit conséquemment admissible mais ici il ne s’agit pas de liberté religieuse car ce ne sont pas les croyances intimes du président élu qui posent difficultés : ce sont les paroles qu’il prêche en sa qualité de prêtre (par ailleurs rémunéré par l’Etat puisqu’en Alsace) cumulant la fonction d’administrateur académique. On est du reste surpris, à ce stade, de ne pas trouver dans le jugement d’arguments relatifs au non-cumul des fonctions publiques. Voici un prêtre (qui a une fonction et un métier au sens du droit social dans sa paroisse) et qui trouve le temps non seulement d’être professeur des Universités mais encore (ce qui doit être une mission simple et non chronophage) d’être Président d’un établissement d’enseignement supérieur. Si l’on voulait discréditer les fonctions publiques universitaires, on ne s’y prendrait pas mieux.

Trois arguments sont ici successivement balayés par le juge : (…)

Autrement dit, un religieux président d’un service public laïque ne manifesterait pas, alors qu’il est directement soumis à une hiérarchie religieuse (et donc dépendant) du fait de sa qualité d’ecclésiastique, une « dépendance religieuse ». Espérons que le jugement ne fera pas jurisprudence et que le principe de laïcité en sera appliqué.

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