Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CC, 02 juin 2017, décision n°2017-633, QPC, Collectivité territoriale de la Guyane

Laïcité latitudinaire (suite et non fin)

Nous espérions nous être trompés lorsque nous avions qualifié la laïcité, appliquée en France, de « latitudinaire » ou « à géométrie(s) variable(s) » (cf. Touzeil-Divina Mathieu, « laïcité latitudinaire » in R. Dalloz ; 07 octobre 2011 ; n°34, p. 2). Il n’en est cependant malheureusement rien et – confirme une nouvelle fois le juge – la laïcité, en France, est manifestement et véritablement latitudinaire. Rappelons que dans l’ordre interne, a priori, le principe constitutionnel de laïcité devrait primer sur tout : et pourtant. En l’occurrence, la décision fait suite à une QPC posée par la collectivité territoriale de Guyane et interrogeant la constitutionnalité de l’art. 36 de l’ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane française et celle de l’art. 33 de la loi du 13 avril 1900 portant fixation du budget général des dépenses et recettes de l’exercice 1900. Ces normes qui régissaient les anciennes colonies emploient des termes aujourd’hui abrogés par le temps mais que la Puissance publique gagnerait à modifier explicitement. Les requérants soutenaient notamment en l’espèce (suite à la décision de renvoi : CE, 03 mars 2017, 405823) que les textes précités non seulement seraient contraires au principe constitutionnel de laïcité (puisqu’ils prévoient la possibilité – compréhensible en 1828 – que la Guyane rémunère les ministres du culte) mais encore qu’ils méconnaitraient, outre la libre administration des collectivités territoriales et la compensation financière, « le principe d’égalité devant la loi à un double titre : d’une part, en prévoyant que seuls les ministres du culte catholique sont ainsi rémunérés, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les cultes ; d’autre part, en faisant supporter cette dépense par la collectivité territoriale de la Guyane plutôt que par l’État, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les collectivités territoriales ».

(…) Le Conseil constitutionnel n’a pourtant censuré aucune disposition. (…)

Bref, le texte de la Restauration, établi « par la grâce de Dieu, Roi de FRANCE et de NAVARRE » est jugé sur ce point totalement compatible avec la laïcité républicaine et cela ne choque personne. Mais pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

 

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