Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 07 juin 2017, Mme D. (382986)

Impartialité rassurante et pragmatique en milieu académique

A l’automne dernier, le Landernau académique qu’est l’Université s’était ému – à juste titre selon nous – d’une décision du Conseil d’Etat (CE, 17 oct. 2016, Univ. De Nice ; N° 386400) qui laissait entrevoir des difficultés pratiques en termes de constitution des comités de sélection chargés de procéder aux recrutements, en Universités, des enseignants-chercheurs. En effet, la décision – au nom du principe essentiel et fondamental d’impartialité (qui doit effectivement incarner l’alpha et l’oméga de tout concours des fonctions publiques) avait laissé entendre à certain.e.s qu’il serait désormais quasiment impossible de constituer un tel comité dès lors que l’un de ses membres serait suspecté de connaître l’un.e des candidats ! Un considérant principiel (que reprend ici le juge dans sa décision de juin 2017) avait effectivement énoncé que « le respect du principe d’impartialité exige que, lorsqu’un membre du jury d’un concours a avec l’un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit non seulement s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat mais encore concernant l’ensemble des candidats au concours ». Toutefois, remarquaient quelques universitaires, comment faire non seulement lorsque – par définition – l’on ne connaît pas a priori la liste des candidat.e.s (et ne peut donc se déporter) pour composer un comité et – surtout – comment matérialiser un tel jury impartial dans une communauté scientifique si petite qu’il est difficile de ne pas connaître – au moins un peu – tout le monde ? N’exigeait-on pas une impartialité impossible et absolue ? Non, répond donc le CE avec la présente affaire dans laquelle il met en œuvre de façon pragmatique un principe logique et apprécié in concreto d’impartialité.

(…)

En l’espèce, le président soupçonné de partialité (comme les autres membres du même centre universitaire que la requérante) n’avait pas été rapporteur de son dossier et – surtout – il n’avait « pas pris part aux débats du comité portant sur le choix [de l’]auditionner » et n’avait jamais « formulé d’avis à son égard ». Ainsi, « et alors même que » le président avait « été présent lors de la délibération litigieuse par laquelle le comité de sélection a récapitulé la liste globale des candidats qui ne seraient pas auditionnés et que, en sa qualité de président du comité, il l’a signée, la requérante » n’était « pas fondée à soutenir que la décision qu’elle attaque a méconnu le principe d’impartialité ». Cela rassurera donc les universitaires et les faiseurs de comités : l’impartialité ne doit s’apprécier qu’in concreto et il ne s’agit pas – par un considérant principiel d’esprit réglementaire – d’empêcher toute constitution de comité mais simplement de rappeler que lorsqu’un membre a émis des considérations – positives comme négatives – à l’égard d’un.e candidat.e et a pu faire publiquement état de partialité et de subjectivité, il doit se retirer et ne pas prendre part aux délibérations (ce qui ne l’empêche pas de participer aux autres). In fine, rappelle encore le CE « il n’appartient pas au juge de l’excès de pouvoir de contrôler l’appréciation faite par un jury de la valeur des candidats » : il s’agit bien là d’une compétence souveraine.

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