extraits du
Dictionnaire de Droit public interne
Mathieu Touzeil-Divina (c) ; 2017 LexisNexis

Né en Charente (à Ladiville le 17 août 1856) et décédé à Toulouse (le 12 mars 1929), Maurice Hauriou est considéré en France, mais pas seulement, comme l’un des « pères » de notre droit administratif au côté de Léon Duguit (1859-1928) notamment. Les deux hommes, aux carrières et aux vies parfois similaires sont d’ailleurs souvent comparés et considérés comme des duellistes voire des « frères ennemis ». Ce qui est certain c’est qu’ils ont été – et sont encore – liés par de nombreuses controverses doctrinales et qu’il s’agit bien de deux des phares – encore lumineux et éclairant – de notre droit public (I & II).

I. De Ladiville à Nonac,
Hauriou le Charentais

Même si c’est à la belle ville rose de Toulouse que le nom de Maurice Hauriou est encore aujourd’hui rattaché, ce n’est pas la seule commune dans laquelle son nom est célébré. En effet, né près de Cognac, Hauriou a souvent séjourné à Nonac à quelques kilomètres d’Angoulême ; ville dans laquelle il a d’abord été inscrit au Lycée. Par suite, ses études l’ont conduit à la Faculté de Droit de Bordeaux où il a conquis tous ses grades. De fait, Hauriou est-il un pur « produit » des Charentes puis du Bordelais et non – comme la postérité l’a pourtant retenu – un Toulousain (qu’il ne fut que d’adoption et qu’il chercha d’ailleurs à quitter à tout prix les premières années suivant sa nomination). C’est aussi à Nonac qu’il revint presque tous les étés en villégiature dans sa maison familiale et qu’il écrivit bon nombre des articles et des préfaces mêmes de son célèbre précis de droit administratif. C’est toujours à Nonac qu’il fut (entre autres en 1914) conseiller municipal (et ce, contrairement à l’image qui lui colle encore parfois à la peau de théoricien ayant refusé de s’investir dans les affaires concrètes et locales). C’est à Nonac, encore, qu’il participa aux efforts de guerre en offrant son concours et son expertise de spécialiste du droit public. C’est enfin à Nonac qu’il perdit en 1899 l’un de ses enfants (sa fille) et qu’il décida que son corps reposerait à ses côtés. D’ailleurs, sa sépulture a failli être abandonnée et reprise par la commune mais en 2012, il a été acquis, grâce à l’action du Collectif L’Unité du Droit, qu’une sauvegarde en serait réalisée. La sépulture décanale est ainsi sauvée.

II. Comme arrêtiste & doyen,
Hauriou le Toulousain

Après deux échecs au concours d’agrégation, Hauriou en triomphe en 1882 et à son arrivée à la Faculté de Toulouse les archives ont prouvé qu’Hauriou, d’abord romaniste et employé à l’Université comme professeur d’histoire du droit, n’avait pas du tout été heureux de son affectation suivante, en 1888, à la tête de la chaire vacante de droit administratif ! Pourtant, à force de travail et de recherches pour cette matière académique encore récente, il parvint à en extraire et à en exposer la substantifique moelle et il en fut rapidement (dès 1900) l’un des spécialistes les plus reconnus. Il en sera par suite de même avec le droit constitutionnel. Ayant rédigé 370 notes au Recueil Sirey, il est aujourd’hui considéré comme l’un des experts du contentieux et du Conseil d’Etat qu’il voulut d’ailleurs intégrer mais en vain. Toutefois, Hauriou ne fut pas qu’un arrêtiste à la plume et à la verve célèbres et célébrées. Féru de sociologie, catholique engagé, moraliste, ce théoricien du droit public proposa plusieurs clefs et systèmes d’explications à l’instar de ses théories du service public mais aussi – et surtout – de l’Institution ainsi que de la puissance publique. L’institution est alors, selon lui, « une idée d’œuvre (…) qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ». Définissant le droit administratif – à l’inverse de Duguit qui en recherchait la finalité – au regard des moyens exorbitants de la puissance publique et par l’institution étatique, on l’a même considéré comme le chef d’une Ecole de Toulouse encore dite de la puissance publique. Même si son arrivée et son intégration en Occitaniefurent parfois décrites comme houleuses sinon compliquées, il fut véritablement « le » doyen de son Ecole de Droit (de 1906 à 1926) ce qui est un des gages de sa forte notoriété. Certes, on pourra – malgré un génie incontestable – lui reprocher quelques manipulations intellectuelles (comme lors de son traitement de l’histoire du droit administratif rédigé de façon peu objective et pro-républicaine) mais cela n’entache en rien la grandeur et l’admiration qu’il suscite toujours à fort juste titre. Son fils, André Hauriou (1897-1973) a également embrassé une carrière de professeur publiciste et a tenté de continuer l’œuvre du Maître ce que d’autres disciples comme Achille Mestre (1874-1960) et Georges Vedel (1910-2002) ont également accompli en son nom et en sa mémoire.

Maurice Hauriou revu par la série Droit & Playmo !

Op. :      Précis de droit administratif (…) (1892 à 1927; 11 éd.) ; La science sociale traditionnelle (1896) ; La gestion administrative (1899) ; Principes de droit public (1910); Précis de droit constitutionnel (1923 et 1929) ; La jurisprudence administrative de 1892 à 1929 (1929).

Cit. :      « Le Droit administratif français constitue pour tout jurisconsulte connaisseur une solution tellement élégante de difficultés accumulées que l’on doit craindre sa fragilité, puisqu’aussi bien toute forme de beauté est périssable » (Précis de droit administratif ; 1903).

Biblio. Mélanges Maurice Hauriou ; Paris, Sirey ; 1929 ; La pensée du doyen Maurice Hauriou et son influence ; Paris, Pédone ; 1969 ; Alonso Christophe, Duranthon Arnaud & Schmitz Julia (dir.), La pensée du doyen Hauriou à l’épreuve du temps : quel(s) héritage(s) ? ; Aix-en-Provence, Puam ; 2015 ; Blanquer Jean-Michel & Milet Marc, L’invention de l’Etat ; Léon Duguit, Maurice Hauriou et la naissance du droit public moderne ; Paris, Odile Jacob ; 2015 ; Sfez Lucien, Essai sur la contribution du doyen Maurice Hauriou au droit administratif français ; Paris, Lgdj ; 1966 ; Touzeil-Divina Mathieu (dir.), Miscellanées Maurice Hauriou ; Le Mans, L’Epitoge-Lextenso ; 2013 ; Dhjf ; p. 516.

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