Le présent article est issu de : Touzeil-Divina Mathieu,  » Louis Rolland, le  Méditerranéen d’Alger, promoteur et sauveteur du service public » in Touzeil-Divina Mathieu & Levade Anne (dir.), Revue Méditerranéenne de Droit Public n° 4 – Journées Louis Rolland, le Méditerranéen ; Toulouse, Lextenso-L’Epitoge ; 2016.

De Louis Rolland (1877-1956) on connaît les « Lois » éponymes et célèbres – dans toute la Méditerranée – du service public. On sait également ou devine ses liens avec le mouvement, notamment porté par Léon Duguit (1859-1928) en matière de promotion dudit service public comme critère du droit administratif et même du droit public tout entier. On retient également que le professeur a rédigé deux précis ou mementi dont chacun sera l’objet d’un article dans le présent ouvrage : un précis de droit administratif (11 éditions de 1926 à 1957 ; la dernière étant posthume) et un précis dit de législation coloniale (qui sera suivi et continué avec l’aide de Pierre Lampué (de 1931 à 1959 sous différentes appellations)).

On se souvient également que l’enseignant a longtemps été professeur à l’Ecole du Panthéon, la Faculté de droit de Paris, après avoir commencé sa carrière de jeune agrégé à la Faculté de droit de Nancy.

On sait moins (et ce sera l’objet d’une des contributions notamment que de le mettre en avant) que Louis Rolland commença sa carrière à Alger (à l’époque département français) comme chargé du cours de droit administratif d’un certain Maurice Colin (1859-1920) et que c’est en Algérie qu’il eut – selon nous – ses trois plus grandes intuitions (le service public comme critère du droit public, l’existence de principes ou « Lois » régissant cette notion, la mise en avant d’un service public industriel à part entière). On croit même pouvoir affirmer que Louis Rolland, devenu méditerranéen non par choix, mais par obligation académique, va le devenir par conviction(s) et l’espace méditerranéen le lui rendra du reste bien puisque son nom – dans tout le bassin maritime – est désormais associé au service public et à ses principes juridiques. On profitera du reste du présent ouvrage pour rappeler – ou apprendre – que contrairement à la légende ce ne sont ni trois ni une, mais quatre « Lois » qu’il présenta comme motrices du service public.

On sait également peu (ou ne se souvient guère) que Rolland fut en outre député du Maine et qu’il fut mis au monde près du Mans, à Bessé-sur-Braye (Sarthe). Son engagement politique fera l’objet en ce sens, sous l’éclairage du mouvement dit du Sillon auquel il appartenait, d’un article à part entière.

La Revue Méditerranéenne de Droit Public est donc très heureuse – alors qu’il y a encore beaucoup à écrire à propos de et à apprendre à partir de Louis Rolland – de vous présenter ici réunis suite à une journée d’étude organisée à l’Université du Maine en mars 2014 les six contributions suivantes : Louis Rolland, le Méditerranéen d’Alger, promoteur et sauveteur du service public (1) ; Louis Rolland, le député du Sillon (2) ; relire le précis de droit administratif de Louis Rolland (3) ; le précis de législation coloniale de Louis Rolland & Pierre Lampué (4) ainsi qu’un essai relatif aux « nouvelles Lois » du service public (5) et quelques documents conclusifs à propos notamment de la sépulture disparue du professeur méditerranéen (6).

I. De Bessé-sur-Braye à Alger (1877-1906)[1]

Quel Rolland ? Le patronyme porté par notre auteur est relativement fréquent en France et singulièrement en Droit et en Politique. On connaît ainsi un Jean-Louis Rolland[2], député puis sénateur du Finistère, né le 15 février 1891 à Landerneau (Finistère) et décédé en 1970 et qui fut l’un des rares quatre-vingts parlementaires à avoir courageusement voté contre la remise des pleins pouvoirs – le 10 juillet 1940 – au maréchal Philippe Pétain. On sait même d’après la base de données des députés[3] français qu’il y a eu, depuis 1789, seize députés Rolland et qu’au Sénat également des Rol(l)and comme les parlementaires Léon Rolland (1831-1912) (avec deux « L » ; sénateur du Tarn-et-Garonne) et Léon Roland (1858-1924) (avec un seul « L » ; sénateur de l’Oise) siégèrent sous les Troisième et Quatrième Républiques notamment.

A. L’enfance sarthoise du fils des manufacturiers

Louis Rolland[4] est donc (étonnamment peut-être lorsqu’on se souvient de lui comme d’un Parisien voire comme d’un disciple dit bordelais de Duguit) bien né en Sarthe, à Bessé-sur-Braye, le 24 août 1877 et il est décédé le 02 mars 1956, à Paris. Il est le fils de Georges Rolland et de Georgette Guénée. Grâce à l’arbre généalogique que nous avons reproduit infra[5], nous pouvons tirer plusieurs informations relatives à sa famille et à son enfance.

Juristes & Papetiers. Louis Rolland est issu de deux grandes familles du Maine : les Rolland et les Quetin. Les premiers sont essentiellement des juristes à l’instar du grand-père de Louis (Pierre Rolland (1810-1870)) qui fut notaire ou encore de son oncle (Jules Rolland, né en 1852 et qui fut diplômé en Droit (Licence) puis notaire). Son père (Georges Marie Rolland (né en 1844)) ne fut en revanche pas juriste, mais manufacturier, à Bessé-sur-Braye notamment, comme la plupart des membres de la dynastie des Quetin (dont sa grand-mère Félicitée était la descendante) : papetiers sur plusieurs générations. Georges & Georgette eurent donc trois fils, dont Louis qui épousera, à Nancy, Joséphine Schmitt (le 21 avril 1908), quant à elle fille d’un grand universitaire en médecine : le professeur (à la Faculté de Nancy) : (Marie Xavier) Joseph Schmitt.

1. Louis Rolland, l’enfant oublié de Bessé-sur-Braye

Toutefois, même si Louis Rolland a vécu son enfance à Bessé-sur-Braye et que sa famille s’y est célébrée dans les différentes manufactures de papier (dont certaines encore en activité en 2016 au sein du groupe Arjowiggins[6] (fondé en 1824) notamment), son nom n’est plus (mais sera peut-être désormais demain) associé à celui de la Sarthe voire même de l’Université du Maine (dont il ne fut pas l’étudiant puisqu’elle n’existait pas encore) ! Au cimetière de cette commune, même la concession familiale consacrée aux familles Rolland, Leguet & Herbaut, ne porte aucune mention ou trace du passage de Louis ou de l’un de ses proches. Dans les rues (sur les plaques dédiées), sur les monuments, dans les écoles, le souvenir de Louis s’est effacé.

2. Louis Rolland, fils de manufacturier, étudiant envoyé à Paris

Louis Rolland est pourtant bien le fils d’un manufacturier de Bessé-sur-Braye et d’une belle dynastie, a-t-on dit supra, de papetiers locaux. Mentionnons à cet égard qu’il exista deux types de manufactures à Bessé : celles de tissage (désormais abandonnées) et celles de papier(s). Assurément, Louis fut le descendant de ces papetiers, mais c’est alors plutôt vers les Rolland juristes que vers les Quetin-Rolland papetiers qu’il trouva la vocation. Et à propos de vocation(s) il faut signaler que si Louis partit pour Paris afin d’étudier et de « faire son Droit » (et qu’il quitta donc temporairement le Maine), une première vocation se faisait également ressentir (et il ne cessera de l’alimenter jusqu’à son décès : sa foi catholique témoignée notamment dans son engagement tant politique (au Sillon) qu’académique).

B. L’étudiant parisien & les tentatives d’agrégation[7]

A l’Ecole de Droit du Panthéon, Louis Rolland (qui fut l’élève de Berthelemy) soutint sa Licence en Droit puis ses deux thèses de doctorat (en sciences juridiques puis en sciences politiques et économiques) en 1901. Sa première thèse[8] (en Droit) porta sur la « correspondance » (la filiation avec la papeterie était là et déjà le service public était étudié comme moteur administratif !). La seconde thèse (en sciences politiques) porta quant à elle sur un autre versant du service public postal : le secret professionnel de ses agents[9]. Suite à des études jugées brillantes par ses professeurs, Louis Rolland devint « lauréat » de la Faculté de Droit de Paris et très tôt chargé de conférences en droit administratif à la faveur desquelles ses talents de publiciste furent reconnus. Malgré le soutien de l’Ecole de la rue Soufflot, Rolland échoua à deux reprises (au concours de 1901[10] (juste après ses doctorats) et au concours de 1903[11]) au concours d’agrégation de droit public. Mais ces échecs, s’ils vont le conduire loin de Paris et du Maine – au cœur de la Méditerranée –, vont transformer tant l’homme que sa doctrine en formation.

C. L’Algérois d’adoption & la révélation pour le service public

Le suppléant du député Colin. Ce n’est alors pas à Paris ou au Mans, mais bien au Maghreb que le futur professeur (alors « simple docteur en Droit » selon ses premières notices académiques[12]) va commencer sa carrière universitaire. Il est en effet nommé, par arrêté en date du 31 octobre 1904, comme chargé du cours de droit administratif en l’Ecole Supérieure de Droit d’Alger où il remplace le titulaire du cours, Colin[13], élu député. Né le 11 janvier 1859 et décédé le 09 septembre 1920, le Lyonnais Maurice (Pierre) Colin fut avocat et chargé d’enseignement en droit public à Alger, mais eut surtout une carrière politique importante : comme député d’Alger de 1902 à 1912 puis comme Sénateur de ce même territoire de 1912 à 1920. Selon le dictionnaire des parlementaires précité de Jean Jolly et le site de l’Assemblée Nationale, Colin fut « reçu à l’agrégation de droit en 1887 [et] affecté à l’Ecole de droit d’Alger, transformée en Faculté en 1909, comme professeur de droit constitutionnel et administratif. Il se fit recevoir en même temps avocat au barreau de cette ville ». Il y rédigea, très rapidement après son arrivée, un ouvrage en droit administratif[14] issu de ses notes de cours et comme il devint député en 1902 il fallut rapidement trouver quelqu’un pour le suppléer. Or, trouver un spécialiste de droit administratif en France (particulièrement en département algérien, hors de la métropole) n’était pas chose aisée autour de 1900. La plupart des juristes répugnaient à enseigner sinon répudiaient même cette matière académique que l’on attribuait souvent en guise de cadeau « empoisonné » et dit de « bienvenue » aux derniers arrivants et notamment aux jeunes agrégés. A Toulouse par exemple, quelques années auparavant, c’est ce qui était même arrivé à Maurice Hauriou[15]. Ce dernier se vit en effet imposer un enseignement qu’il n’avait pas désiré et ce, comme le subirent de très nombreux enseignants qui se voyaient ainsi réquisitionner pour mettre en place des leçons dont personne ne voulait assurer la matérialisation[16] ? Il ne faut pas en effet ignorer un facteur humain bien souvent négligé et peut-être même volontairement passé sous silence : c’est le véritable rejet (d’aucuns parlaient même de dégoût) développé par quelques-uns des premiers (et non des moindres) professeurs de droit administratif lorsqu’on leur a demandé d’enseigner cette matière qui leur était souvent inconnue (surtout avant 1850) et leur paraissait conséquemment inintéressante et rébarbative. Chauveau (par exemple à Toulouse, avant Wallon et Hauriou), Gougeon (à Rennes), Barilleau (à Poitiers), Vuatrin (à Paris), Giraud (à Aix) ne se destinaient originellement pas au droit administratif. De fait, rares sont ceux qui, comme Trolley (à Caen) ou Foucart (à Poitiers) et Rolland (à Alger), semblent s’être eux-mêmes voués et dévoués au droit administratif – par choix – au lieu de l’avoir vécu comme une contrainte d’enseignement[17]. On se souviendra alors de la répugnance avouée par Gougeon à l’idée d’enseigner cette matière[18], à l’aversion décrite par le biographe de Barilleau concernant ses premières années de professorat[19] ou encore aux multiples courriers de Chauveau et de Giraud au ministre de l’Instruction Publique et dans lesquels ils expliquaient leur volonté de rapidement enseigner une autre matière que celle qui leur avait été « imposée »[20]. C’est d’ailleurs vraisemblablement ce qui arriva à Wallon avant qu’il puisse obtenir, en 1887, la chaire de code civil qu’il désirait.

Alger[21] « la blanche » & l’administrative. A Alger, en l’occurrence, personne ne pouvait ou ne voulait assurer, à la Faculté de Droit qui allait devenir Université en 1909, les cours de droit public (constitutionnel et administratif). L’Ecole se résolut conséquemment à faire appel, en métropole, à un spécialiste que Paris choisirait. Et c’est ainsi que Rolland fut engagé, par ses maîtres parisiens, à quitter la capitale pour rejoindre la méditerranée algérienne et même algéroise afin non seulement d’y dispenser des leçons publicistes, mais encore pour se préparer (ce qui sera donc profitable) au prochain concours d’agrégation (de 1906).

Par ailleurs, Alger, à cette époque, était considérée comme un important centre intellectuel (et ancien) français (où l’on avait enseigné dans la langue de Molière depuis la colonisation de 1830). A la différence d’autres capitales coloniales, il y s’agissait en outre désormais d’un département français à part (presque) entière et de grands publicistes y étaient déjà passés à l’instar du plus célèbre d’entre eux (Edouard Laferrière (1841-1901)), l’ancien vice-président du Conseil d’Etat nommé gouverneur général d’Algérie de 1898 à 1900 avant de regagner Paris pour y terminer sa carrière comme Procureur général près la Cour de cassation. Les vestiges du boulevard et des jardins Laferrière[22] à Alger sont d’ailleurs encore splendides de nos jours.

Les Ecoles supérieures puis Facultés & Université d’Alger. Du point de vue universitaire, Alger obtint dès le décret du 03 août 1857 une Ecole de médecine et de pharmacie puis – avec le vote au Sénat de la Loi du 20 décembre 1879 – une[23] « Ecole préparatoire à l’enseignement du Droit ». Rapidement, le nombre d’inscrit croît et, en 1887, le directeur (Robert Estoublon à qui l’on doit un exceptionnel Code annoté[24]) de l’Ecole déclare ainsi dans son rapport annuel la présence de 179 étudiants régulièrement inscrits[25]. La transformation des différentes Ecoles agglomérées en une unique Université est conséquemment très tôt demandée (ce dont Rolland sera d’ailleurs témoin) même si ce n’est qu’en 1909 (avec la Loi du 05 juillet) que l’Université sera proclamée et en 1910 (avec le décret du 04 janvier 1910) que l’Ecole de Droit deviendra, comme ses sœurs métropolitaines, une Faculté (de Droit) en tant que telle. On sait en outre que le bâtiment principal de cette Université ne date pas de 1909, mais a été entrepris – dès 1879 – (et comme à Toulouse du reste) sur le site d’un ancien arsenal qui fut inauguré le 03 novembre 1887. On sait donc – encore aujourd’hui – où enseigna Louis Rolland à Alger lors de son passage[26].

L’enseignement publiciste à Alger. Même si, depuis le décret du 31 décembre 1889, il existait un exceptionnel certificat (délivré à Alger) d’études « de législation algérienne, tunisienne et marocaine, de droit musulman et de coutumes indigènes », il exista aussi en Algérie un enseignement important du droit public. Toutefois, comme pour l’enseignement publiciste originel créé à Paris en 1819[27] au profit de de Gerando, l’enseignement publiciste algérois ne prévut pas deux chaires (en droits constitutionnel et administratif), mais une seule précisément intitulée « droit administratif et constitutionnel ». Il n’y avait donc qu’un seul spécialiste publiciste dans les murs de l’Ecole qui deviendra Faculté de Droit lorsque Rolland y fut envoyé en mission.

Et, même s’il le remplaça, ce n’est pourtant pas à partir du manuel précité de Colin que Louis Rolland trouvera l’inspiration (pour l’avoir parcouru et comparé) pour ses propres premières leçons et ses premiers écrits en droit public. Il va même largement s’en distinguer en faisant, déjà, une grande place à la notion centrale, selon lui, du droit public : le service public (ce sur quoi l’on reviendra plus tard), mais aussi en étudiant beaucoup (alors qu’il n’en était pas chargé du cours) la législation dite coloniale.

Succèdera à Colin & à Rolland le professeur de droit administratif André (Victor) Mallarmé (1877-1966) admis à faire valoir ses droits à la retraite en 1945. Ce dernier (né à Bouzareah en Algérie) fit, comme Rolland, ses débuts comme chargé de conférences (à Paris puis à Lille) puis remplacera Rolland (comme chargé de cours puis comme agrégé après 1808) à Alger où il accomplit sa carrière et continuera le Code annoté et précité d’Estoublon. Par ailleurs, comme Colin, Mallarmé eut aussi (sinon surtout) une importante carrière politique : député d’Alger de 1924 à 1939, il en fut le sénateur de 1939 à 1945. Par ailleurs, il fut également chargé de missions gouvernementales : comme sous-secrétaire d’Etat aux Travaux publics du 19 au 23 juillet 1926 puis du 03 novembre 1929 au 21 février 1930, comme ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones du 02 mars au 13 décembre 1930 et du 09 février au 08 novembre 1934 et enfin comme ministre de l’Education nationale du 08 novembre 1934 au 01 juin 1935.

Quant à Rolland, il fut donc pendant trois années consécutives (arrêtés confirmatifs des 31 juillet 1905 et 28 mai 1906) chargé du cours de la chaire de droit public. En 1906, cependant, sa réussite au concours national d’agrégation (dont il sera cette fois le major) le conduisit à la Faculté de Droit de Nancy qu’il intégra (pour dix ans selon les statuts) à compter du 19 novembre 1906. Il quitta alors physiquement le sol algérien qui n’allait plus le quitter dans ses écrits et sûrement au plus profond de son cœur.

II. De Nancy à Paris (1906-1921)

Aussi, même si Rolland ne fut que trois années aux bords de la Méditerranée, nous croyons pouvoir dire que cette dernière le marqua à tout jamais (ainsi que sa carrière) même si ce sont les Universités de Nancy et de Paris auxquelles il est encore associé.

A. Le concours d’agrégation & le départ physique d’Alger

Au concours de 1906, 18 candidats se présentèrent en section de droit public. Parmi eux Henri Nézard & Georges Scelle furent des candidats malheureux alors que quatre lauréats triomphèrent du concours : Hippolyte Barthélémy (qui avait obtenu son doctorat à Toulouse), Jules Basdevant, André Morel et donc Louis Rolland qui en fut le major. Ainsi récompensé, le publiciste s’installa à Nancy en fin d’année. A l’Université, il enseigna – comme il l’avait fait à Alger – le droit administratif. Il rencontra alors la fille d’un Professeur de médecine (Joséphine) qu’il épousa comme dit supra en 1908. Il fut titularisé en qualité de professeur de la chaire de droit administratif en 1911 et dès 1912 il obtenait d’enseigner (alors que rien ne l’y obligeait puisqu’il avait quitté Alger) la législation coloniale. C’est ce dernier cours qui lui permettra même, en 1918, de rejoindre la Faculté de Paris.

Des colonies effectives à la législation académique enseignée. En effet, même s’il ne quittera plus la Métropole en qualité d’enseignant, les colonies (et particulièrement le Maghreb) resteront une de ses questions juridiques de prédilection ce dont témoignera, en 1931, la publication de son célèbre précis de législation coloniale. Avant cela, c’est donc en Lorraine qu’il devint, à partir du 01 janvier 1911, titulaire en qualité de professeur de la chaire de droit administratif et dès l’année suivante (arrêté du 21 novembre 1912), outre ses cours administrativistes de licence et de doctorat, qu’il donna des leçons de législation coloniale (le cours ayant été abandonné par M. Beauchet). Rapidement, il demanda alors à rejoindre la capitale et sollicita par suite toute chaire vacante en ce sens. Et, c’est alors encore par le biais des colonies que cette mutation arrivera.

Effectivement, il sera (de 1918 à 1920) chargé du cours semestriel de législation coloniale (puis également des leçons de législations industrielle et minière) à la Faculté de Droit de Paris où il sera agrégé de façon pérenne par arrêtés des 29 juin et 24 juillet 1920. De 1921 à 1923, il y est professeur sans chaire (sic) puis hérite du cours de droit public général de Larnaude (parti en retraite). Pour l’obtention de cette chaire, il sera préféré au futur recteur Gidel et ses collègues insisteront notamment en ce sens sur les éléments suivants : « pendant son séjour à Alger, il a pris contact avec les choses de l’Afrique du Nord et il continue de les suivre attentivement. La Revue algérienne, tunisienne et marocaine lui doit d’importantes études de législation et de jurisprudence. Aussi a-t-il été appelé à siéger au comité consultatif du Ministère des colonies ». C’est également la référence à l’outre-mer (pour ses premières années d’enseignement et l’intérêt continu qu’il manifesta pour ces questions) qui semble-t-il provoqua l’octroi de ses premières décorations et, lors de son admission à la retraite, … une « bonification coloniale ».

B. Nancy & la Première Guerre mondiale

Avant ce départ pour Paris, toutefois, signalons un épisode important dans la vie de Rolland : celui de la Première Guerre mondiale. Comme agent, Louis Rolland prit effectivement très à cœur ses fonctions publiques et eut pour ambition manifeste de faire toujours triompher sa vision de l’intérêt général.

L’intérêt général incarné. En ce sens, il ne s’intéressera pas qu’au public principal et privilégié de la Faculté, mais donnera plusieurs cours à destination, par exemple, des étudiants de capacité faisant alors primer entre tous ces élèves un principe d’Egalité. Pendant la Grande Guerre, Rolland ne fut pas mobilisé (du fait d’une santé fragile) et donnera conséquemment sans compter « jusqu’à trois ou quatre enseignements, les siens compris, pour » décharger « ses collègues mobilisés et rendre service à la Faculté » (notice du 30 juin 1917)[28]. Ainsi, au nom de la continuité du service de l’enseignement, il fera preuve de mutabilité et s’adaptera aux conditions exceptionnelles comme pour « compenser cette inaction militaire ». En outre, sa charité le portera à s’occuper d’œuvres de guerre à l’instar du patronage du comité d’assistance aux réfugiés. A la fin de sa carrière, également, Louis Rolland, bien que très diminué physiquement, à la demande du doyen Ripert et du Recteur Gidel, accepta de repousser son départ en retraite et sera maintenu en fonctions pendant trois années (au moment du départ de Mestre, Barthélémy et Basdevant).

C. Paris & la députation

A Paris, Rolland renoua avec sa famille sarthoise et réussit même à se faire élire député de la 2e circonscription de Cholet dans le Maine-et-Loire, à deux reprises, en 1928 comme député indépendant, et en 1932, comme démocrate populaire. Il est inutile ici de décrire son œuvre comme député (et notamment certaines de ses prises de position(s)) puisqu’elles font l’objet (ci-après) d’une contribution à part entière.

Un sillon creusé à l’Assemblée. On soulignera simplement que Louis Rolland député[29] fut inscrit (pendant la 14e législature) à la Commission de l’administration générale et – notamment – à celle de l’Algérie et des colonies. On retiendra de son activité politique sa proposition de Loi (n°4951) de 1931 « tendant à assurer l’Egalité entre les étudiants des facultés et écoles centrales de l’Etat et les étudiants des Facultés libres » qui témoignait encore de son attachement non seulement au principe d’Egalité, mais aussi à celui de la matérialisation de la foi (catholique). On notera aussi (au titre de sa spécialisation en matière coloniale) son avis donné en 1930 sur le mariage des Kabyles ou encore son activité (lors de la 15e législature) au cœur de la Commission d’enquête chargée de rechercher toutes les responsabilités encourues depuis l’origine des affaires dites Stavisky (1934). A titre anecdotique, enfin, on relèvera ce rapport de 1935 sur le « projet de Loi portant augmentation du nombre des dames sténo-dactylographes au Conseil d’Etat ».

Par ailleurs, à la différence d’aucuns, son loyalisme républicain ne sera jamais démenti et c’est René Capitant qui le fait nommer à la classe exceptionnelle à compter du 01 octobre 1944 (arrêté du 12 mai 1945) avant qu’il ne fasse valoir ses droits à la retraite à partir du 25 août 1947. Il s’éteindra à Paris en mars 1956 (le 02 mars et non le 15 comme l’indiquent certaines sources).

NOTES

[1] L’« enquête » biographique sur Louis Rolland a été conjointement menée par Mme Mélina Elshoud et nous-mêmes. Nous reprenons donc ici les résultats de ces travaux que nous avions présentés à deux lors de la journée d’étude(s). Nos remerciements sont infinis à l’égard de Mme Elshoud qui assumera – quant à elle – seule l’article suivant sur Rolland comme député du Sillon.

[2] A propos duquel on consultera : Jolly Jean, « Jean-Louis Rolland » in Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) ; Paris, Puf ; 1960.

[3] http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/resultats.

[4] A propos duquel on a déjà consacré une courte biographie parue in Renucci Florence (dir.), Dictionnaire des juristes ultramarins (XVIIIe-XXe siècles) ; publié en 2012 en version « rapport » et également consultable en ligne sur notre site personnel : http://www.chezfoucart.com.

[5] Voyez, plus loin, aux pages 83 et s.

[6] Cf. en ligne : http://www.arjowiggins.com.

[7] Les présents éléments sont issus de notre premier article biographique précité.

[8] Rolland Louis, De la correspondance postale et télégraphique dans les relations internationales ; Paris, Pedone ; 1901.

[9] Rolland Louis, Du secret professionnel des agents de la poste et du télégraphe ; Paris, Pedone ; 1901.

[10] Lors de ce concours, dont triomphèrent Gaston Jeze & Nicolas Politis il y eut seulement deux agrégés en section de droit public et 17 candidats dont Louis Rolland.

[11] Lors de cette seconde tentative, il y eut 13 candidats au concours en section de droit public (dont Louis Rolland) ; concours qui vit triompher le Toulousain Delpech.

[12] Voyez, aux Archives Nationales : Caran A.N. F 17 / 25230 & AJ 16/1456.

[13] Et non « Coly » comme on a pu l’écrire autrefois.

[14] Colin Maurice, Cours élémentaire de droit administratif, précédé de notions sur l’organisation des pouvoirs publics en France, à l’usage des candidats aux examens de licence ; Alger, Jourdan ; 1890.

[15] Ainsi qu’on l’a raconté in Touzeil-Divina Mathieu (dir.), Miscellannées Maurice Hauriou ; Le Mans, L’Epitoge ; 2013 ; p. 86 et s.

[16] On se permettra de renvoyer sur ce point à : Touzeil-Divina Mathieu, Eléments d’histoire du droit administratif ; un père du droit administratif moderne : le doyen Foucart ; Lgdj (en cours) ; § 31.

[17] Faute d’autres postes disponibles, de places ou pour faire plaisir au doyen ou au ministre !

[18] Lettre en date du 26 octobre 1842 (dossier personnel : A.N. F17 / 20862).

[19] Audinet Eugène, Georges Barilleau, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Poitiers (1853-1925) ; Poitiers, Imp. Moderne ; 1927.

[20] Dossiers personnels : A.N. F17 / 20 404 (Chauveau) et AJ 16 / 217 (Giraud). A l’égard de ce dernier évoquant, le droit administratif, Glasson citera les mots suivants : « c’est de toutes les parties de la jurisprudence, celle qui offre le plus d’aridité et qui change le plus souvent » in Note sur la vie et les travaux de M. Charles Giraud ; Paris, Picard ; 1890, p. 5.

[21] Cf. la très belle chanson du groupe Djurdjura : « Alger la blanche » (1979) eu égard aux maisons de cette couleur si particulière à Alger.

[22] A l’égard du passage du grand Laferrière à Alger, on consultera le numéro spécial (n° 18 ; septembre 1900) de la Revue illustrée qui fut consacré à l’Algérie (spécialement aux pages 12 et s.).

[23] Cf. Mélia Jean, (…) Histoire de l’Université d’Alger ; Alger, Maison des Livres ; 1950. Sur l’enseignement juridique à Alger, mentionnons également (avec quelques belles photographies de juristes) le bel ouvrage réalisé en 1959 pour le cinquantenaire de l’établissement.

[24] Estoublon Robert, Code de l’Algérie annoté ; Alger ; 1898.

[25] Cité par Mélia Jean ; op. cit. ; p. 63.

[26] Ainsi qu’en témoigne la première image en haut à gauche de la première de couverture du présent ouvrage ainsi que le document présenté infra aux pages 84 et s.

[27] Voyez en ce sens : Touzeil-Divina Mathieu, Histoire de l’enseignement du droit public (…) ; Paris, Lgdj ; 2007 ; § 346 et s.

[28] Dossier personnel précité aux Archives Nationales.

[29] Et ce, selon la lecture des Tables analytiques des annales de la Chambre des députés ; 14e législature (1928-1932) et 15e législature (1932-1936).

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